Avec ce roman aux couleurs de l’Espagne, Francisco González Ledesma fait de Barcelone l’un des éléments principaux de son récit. L’architecture de la ville, son histoire, l’aspect social qui régie la vie de ses habitants… autant de détails retranscrits de façon minutieuse et complète, de sorte que le lecteur puisse en apprendre un maximum sur la cité sans pourtant jamais y avoir mis les pieds. Le traitement narratif de l’auteur consiste d’ailleurs à faire évoluer la capitale catalane comme un personnage à part entière, tel un être vivant.
Barcelone est une ville peu exploitée dans les récits vampiriques. Habitués à lire des histoires préférant prendre pour cadre les rues Parisienne ou les cimetières Londoniens, les lecteurs du roman se voient ainsi immerger sur un tout nouveau terrain d’aventure. L’auteur aime sa ville, cela transparaît clairement dans ses écrits, tout comme son respect de la gent féminine dont il s’applique à décrire l’immuable courage ainsi que son dévouement à de justes causes au fil des périodes historique que couvre le récit.
La ville intemporelle ou le vampire de Barcelone nous entraîne donc aux côtés de la jeune Marta Vives en quête des secrets que recèlent ses origines familiales. En parallèle, nous suivons le destin d’un vampire bien singulier qui accumule les expériences en compagnie de mortels célèbres ou anonymes, s’imprégnant à chaque fois de leurs espoirs, leurs peines, leurs génies ou leurs cruautés. Autant de tranches d’existences qui font de notre immortel un témoin vivant traversant plusieurs périodes clés de l’histoire de la ville. L’auteur profite de ce contexte pour divulguer une quantité non négligeable d’informations. Un peu à la manière du film Highlander, nous voyons le vampire parcourir les siècles sans subir les outrages du temps et en endossant de multiples identités, à cette exception près que le personnage immortel ne s’éloigne que rarement de la cité qui l’a vu naître. Un seul être en ce monde semble réellement connaître son existence : ‹‹ L’Autre ››, sur qui nous n’apprenons finalement que peu de chose au cours du roman, excepté le fanatisme qui anime ce dernier et son penchant à faire le mal.
Francisco González Ledesma interprète le mythe du vampire de façon original à bien des égards. Le non-mort dont nous suivons le périple est asexué, fait extrêmement rarissime pour les créatures telles que lui. Il a été enfanté et possède même une mère biologique malgré les conditions pour le moins anormales de son enfance. Cette particularité le place encore un peu plus à l’écart de l’habituelle figure vampirique que nous connaissons. Les signes caractéristiques du vampire sont quant à eux réduit à leur plus simple expression : à peine sait-on que le personnage a besoin d’une ration quotidienne de sang pour survivre, que sa peau est empreinte d’une certaine pâleur et que sa force physique se situe au dessus de la moyenne. Sa relation avec le sang est par ailleurs des plus rudimentaires : il ne se substante que par nécessité, jamais par plaisir. En outre, le vampire du récit ne craint absolument pas les rayons du soleil bien que par nature, il privilégie l’environnement nocturne sans pour autant en dépendre. Il peut même s’alimenter, en petite quantité, avec de la nourriture ordinaire comme n’importe quel être humain normal.
Roman original et instructif donc, mais également pourvu d’une grande intelligence. L’auteur n’hésite pas à confronter ses lecteurs à certaines questions d’ordre religieuses avec lesquelles sont remises en questions les origines même du bien, du mal, de Dieu et de Satan. Une profonde réflexion sur la foi et la vie éternelle qui ne ralenti nullement le rythme du récit. Deux regrets subsistent toutefois : la fin tout d’abord qui laissera peut-être le lecteur sur sa faim comme se fut mon cas, ainsi que cette sensation tenace comme quoi le vampire n’est en fait qu’un prétexte utilisé afin d’explorer les arcanes historiques de la ville à travers les yeux d’un seul et même être vivant.
Allié à une structure narrative ne tombant jamais dans l’incohérence malgré l’abondance de détails, La ville intemporelle ou le vampire de Barcelone se place néanmoins dans les œuvres à ne pas manquer, bien qu’ayant peu de point en commun avec la figure vampirique traditionnelle.
Je viens de terminer ce roman que j’ai adoré : je l’ai trouvé érudit sans être pédant, passionnant d’un bout à l’autre et bien difficile à lâcher pour dormir le soir. C’est également un roman profond et humain, riche en réflexions.