Une poésie cruelle et délicate, des univers dans lesquels le sang et la magie s’entremêlent au cœur de récits troublants… Voici le voyage proposé par la plume de Cécile Guillot avec le recueil A l’ombre des pleurs. Sept histoires au parfum envoûtant, autant d’occasions pour s’évader aux frontières de l’imaginaire : Vampire tourmenté en proie à ses instincts, sorcelleries antiques et dangereuses, créatures à la séduction mortelle, âmes écorchées porteuses d’un message aux vivants… Les ténèbres ouvrent leur porte sur un monde où beauté et souffrance flirtent avec les rêves les plus inattendus.
Un recueil a ceci de particulier qu’il se lit à un rythme personnel. On peut à loisir choisir une histoire selon son humeur, et commencer ainsi un livre en plein milieu ! Il a aussi l’avantage de nous faire entrer dans l’univers d’un auteur, d’en révéler les multiples facettes. C’est ainsi que l’on découvre dans le recueil à l’Ombre des Pleurs la vaste galaxie littéraire de Cécile Guillot, entre vampires, sorcières, loups et autre surprise. Edité par la maison Cauchemars, ce livre vient renforcer un catalogue qui se confirme comme prometteur. La couverture déjà, donne le ton. Jeune fille romantique et légère comme la plume, larmes de sang enivrantes, comme la poésie. Elle est signée d’une illustratrice plutôt douée pour capter les subtilités d’un auteur : Anna Marine, une collègue illustratrice de Cécile Guillot, bercée par les vents inspirateurs de la République Tchèque, son pays.
On connaissait Cécile Guillot pour des nouvelles parues dans des anthologies, pour des illustrations aussi, mais elle porte ici pour la première fois un livre entier sur sa plume : une novella et six nouvelles. L’exercice de la novella est plutôt difficile. Il faut trouver le juste équilibre du format. Y additionner quelques nouvelles est une façon élégante de faire découvrir au lecteur plusieurs aspects d’un même talent. Entre une jeune femme qui décide, entre raison et sentiment, de venir en aide à un vampire emprisonné, ou une ado rebelle qui changera sa vision de la vie au cours d’une fugue, les personnages sont vastes à explorer, en témoigne encore cette fiancée en deuil qui sublime son amour par delà la mort. Les personnages féminins sont loin d’être stéréotypés. Les héroïnes, si elles ne sont pas des représentantes, toute poitrine dehors, du girl power, n’en sont pas pour autant les victimes crétines de manipulateurs vicieux. Leurs choix sont le reflet de leur siècle, entre raison et sentiments.
Malgré le format qu’elle s’est imposé, plutôt court pour certains textes, l’auteure a su poser concrètement des atmosphères, grâce à un sens aigu de la description. La narration est assez stylée, avec un choix de verbes et de champs lexicaux variés et soutenus, qui rendent les textes vraiment agréables à lire, quelle que soit notre créature de prédilection. La novella porte en son sein une histoire de vampire torturé entre sa raison et ses pulsions, et l’on revient à un vampirisme plus classique, où la créature n’est pas sujette au libre-arbitre mais soumise à un instinct difficile à contrôler.
Pourtant, on peut y voir l’équilibre parfois dangereux qui existe entre les différents aspects de l’âme humaine. Le couperet de la fin est rude pour le lecteur. C’est sans doute le défaut, tout relatif, de ce recueil. Car la fin est une fin, absolument pas une queue de poisson, pourtant on aurait bien envie d’en lire plus. Un sentiment d’inachevé dans la lecture qui ne sera comblé que par la découverte d’un autre texte de l’auteur, car celui là ne peut trouver d’autre issue. Il faut donc lire cette novella entre deux autres lectures, de manière à ne pas se laisser gagner par le spleen littéraire de la dernière page. On découvrira alors avec ravissement une histoire de sorcière délicieuse, entre sort et famille, ou la douce mélancolie d’une plume décidément bien inspirée!
Au final, bien que fantastique, ce recueil a tendance à communiquer quelques messages bien en adéquation avec le monde des humains que nous sommes, et si on est déçu de refermer le livre c’est parce que comme tout bon livre que l’on ouvre, on voudrait qu’il ne se termine pas !