Son amoureux : un vampire. Sa colocataire : un autre vampire ! Et malgré cela Rachel Morgan a toujours réussi à se sortir des pires ennuis… jusqu’à présent. Un tueur en série diabolique hante le cloaque et personne n’est en sécurité, ni les vivants ni les morts… vivants. Rachel pourrait mettre un terme à ces meurtres, grâce à un artefact très puissant qu’elle possède et dont personne ne connaît encore l’existence. Mais, en le révélant, elle risque d’allumer une guerre sans merci entre toutes les créatures surnaturelles…
Cela fait un certain temps déjà que j’apprécie les aventures de Rachel Morgan, prenant pour cadre le Cloaque, le quartier des Outres (créatures comprenant vampires, garous, fées, sorciers…) dans la ville de Cincinnati. La série de Kim Harrison avait jusqu’à maintenant fait preuve d’un équilibre remarquable entre humour, action et cohabitation entre amis, le tout pimenté de surnaturel. Principal atout par rapport à certaines œuvres bit-lit, l’auteure gère avec talent l’évolution de ses personnages. Avec ce 5e tome, le travail accompli jusqu’ici porte ses fruits car son écriture fédératrice véhicule une dimension émotionnelle – parfois même tragique – lors des dernières pages du roman. Une réussite peu commune pour ce genre d’ouvrages qui mérite d’être saluée.
Inutile de tourner autour du pot : Et pour quelques démons de plus est l’un des opus que j’affectionne le plus de la série. Tandis que les lecteurs retrouvent avec plaisir le quotidien des membres de l’agence « Charmes Vampiriques« , équipe composée de Rachel la sorcière, Ivy la vampire encore vivante, et Jenks le pixies, une intrigue consistante se met doucement en place. Intrigue qui se profile d’ailleurs sur plusieurs fronts. Rachel, qui pratique toujours malgré elle la magie des lignes, se voit accorder une faveur par un démon nommé Minias. Une compensation après avoir été dérangée par Newt, un démon femelle à la recherche d’un mystérieux objet. L’effraction de la créature aura ainsi pour conséquence de désanctifier l’église dans laquelle logent les héros.
En parallèle, le BFO informe Rachel qu’une série de meurtres, déguisés en suicides, vise la communauté des loups-garous. La sorcière fait sans effort le rapprochement avec le Foyer, un puissant artefact garou, qu’elle a dissimulé chez son ami David afin que personne ne puisse le trouver. De toute évidence, l’assassin est déterminé à mettre la main sur ce symbole de pouvoir maudit. Surtout que les clans garous sont, eux aussi, prêts à en découdre pour l’obtenir.
Trent Kalamack, l’une des personnalités les plus imminentes de Cincinnati, demande à Rachel d’assurer la protection de son futur mariage. À la recherche de fonds pour faire sanctifier son église, la jeune femme accepte à contrecœur. Ce travail va la contraindre à faire face, une fois encore, à Al, le démon qui a une marque sur elle et qui la harcèle. Et comme si la somme de tous ces problèmes ne suffisait pas, Piscary, le maître-vampire le plus redoutable de toute la ville, est libéré de prison…
Néanmoins, en arrière-plan de cette trame scénaristique dense et truffée de rebondissements, c’est à mon sens au niveau relationnel des personnages que le roman tire son épingle du jeu. Le triangle amoureux entre Rachel et les deux vampires que sont Ivy (sa colocataire) et Kisten (son petit copain) se précise. Avec l’un comme l’autre, la sorcière rousse se refuse toujours à partager son sang. En découle pour Ivy, protagoniste tourmenté et charismatique, un grand mal-être qu’elle tâche d’endiguer avec pudeur. Le vampire souhaiterait officialiser sa relation avec Rachel, en tenant compte que Piscary, son Scion, exerce encore sur elle une influence néfaste. Ce tome est l’occasion d’en découvrir davantage sur le passé d’Ivy Tamwood, sur ses espoirs et ses peurs… Rachel prend conscience que les deux vampires ont besoin d’elle, de son affection et de sa présence, pour survivre. Mais dans ce mélo traité intimement, il faut aussi prendre en compte l’arrivée de Skimmer, une vampire autrefois amie d’Ivy, qui espère bien la faire retomber dans ses filets… jalousie garantie.
Les autres personnages emblématiques de la série répondent, eux aussi, présent. Jenks qui, plus que jamais n’a pas sa langue dans la poche, apporte l’indispensable touche d’humour à l’histoire. Son vocabulaire des plus fleuris parvient à faire sourire, même lors des scènes les plus tendues. Le petit pixies est source d’inquiétude pour ses deux partenaires car il a une famille nombreuse à charge et son fil de vie semble plus ténu que jamais. Céri, l’elfe millénaire affranchie par Rachel de l’emprise du démon Al, dévoile de nouveaux aspects de sa personne et voit s’esquisser une potentielle idylle avec l’un des protagonistes de la série… et pas n’importe lequel !
Cette 5e aventure submerge de tracas en tout genre une héroïne déjà cernée par de terribles ennemis. En découle un rythme trépidant ne s’allouant des pauses que pour explorer plus en détail les personnages. Le style de l’auteur se veut accessible comme toujours, mais elle parvient grâce à une indéniable éloquence à insuffler la vie à son récit, à le rendre captivant. Les 700 pages du roman s’avalent avec un plaisir renouvelé de chapitre en chapitre. Le récit est riche en sentiments, en suspens, sans parler des maints rebondissements. Vampires et magie auront rarement fait aussi bon ménage. Les aventures de Rachel Morgan porte haut la bannière de l’urban fantasy. Avec ce tome, l’œuvre de Kim Harrison parvient à se hisser au même niveau que la série des Anita Blake, voir même à la supplanter par moments.
Des coups de théâtres parfaitement orchestrés, un érotisme employé à bon escient, un univers attachant peuplé de personnages que l’on quitte à regret… Et pour quelques démons de plus est une lecture qui enchantera les accros de bit-lit.