Une jeune femme appelle la police après avoir surpris un individu blafard aux canines proéminentes à sa fenêtre. Problème : cette dernière est à plusieurs mètres de l’escalier de secours le plus proche, et la victime n’habite pas au rez-de-chaussée. Le lendemain, on retrouve le corps de son petit-ami au fond du fleuve, dans un comté voisin. Quelques heures plus tard, c’est au tour de la nièce du shérif d’être découverte saignée à blanc dans sa baignoire. L’adjoint Carl Houseman ne sait pas encore qu’une enquête aux frontières du surnaturel vient de débuter, où plane l’ombre d’un vampire.
Donald Harstad est un auteur de romans policiers qui a un passif de représentant de la loi (il a lui-même été shérif). Il est surtout connu pour la série des Carl Houseman, à laquelle appartient ce 5 octobre, 23 h 33 (code 61 en VO), sorti en 2002 (2007 pour la VF). Étant donné le CV de l’écrivain, rien d’étonnant à ce qu’il ait choisi d’inscrire sa production dans le genre du procedural, qui fait la part belle aux méthodes d’investigations policières. Matière à une immersion plus réaliste au cœur des pratiques des enquêteurs et de leur quotidien. À ce titre, le livre propose ainsi un petit glossaire et quelques pages autour des codes radio, particulièrement présents. Au vu des autres titres de la série, ce roman est le seul à convoquer directement l’ombre du surnaturel, même si le premier, Onze jours, (en VO : Eleven days) mettait en scène des meurtres rituels.
Le récit procède par étapes, qui conduisent progressivement le protagoniste central à s’intéresser au Manoir, ses habitants et ce qui s’y passe. Cette demeure victorienne isolée, environnée par des ruines, apporte un cadre gothique à l’ensemble. L’auteur a bien compris qu’étant donné son sujet, il avait tout à gagner en jouant sur les ambiances. Le côté procedural est bien là et accompagne le texte. Si les scènes d’autopsie et les échanges entre les différents organes de polices ne posent pas de souci à la lecture, l’omniprésence des codes radio finit par plomber quelque peu le dynamisme de l’histoire. Apporter un glossaire en fin de livre, et faire expliciter ponctuellement par les protagonistes ces codes est une chose, mais on se prend vite à sauter les passages. En dehors de ça, on est face à une intrigue bien menée, avec plusieurs ramifications dans l’intrigue. Il y a aussi quelques faiblesses, comme ce personnage de chasseur de vampire qui n’ajoute finalement rien à la trame principale. S’il permet de jouer sur la dimension vampirique de l’enquête, sa présence paraît quelque peu forcé.
La figure du vampire s’impose dès les premières pages, alors qu’une jeune femme croit apercevoir un individu au teint blanchâtre et pourvu de longues canines voler devant sa fenêtre. Elle pense même qu’il lui a demandé de pouvoir rentrer chez elle, une allusion à cette incapacité des vampires de franchir un seuil sans y être invités. Le texte fourmille de références au genre, et à des ouvrages comme ceux de Dom Augustin Calmet (mentionné sous son titre anglais de Phantom World). Les noms de Montague Summers et d’Elizabeth Miller apparaissent également. Une photo en grand format du cimetière de Highgate trône à l’étage où les enquêteurs feront leurs premières découvertes d’importances. Mais le livre met avant tout en scène des personnages qui mélangent pratiques vampiriques et sexuelles, notamment via l’absorption de sang. Ce qui n’empêche que le terme Renfield est utilisé — par les pratiquants — pour désigner un aspirant vampire. Une des victimes du vampire subira également le supplice du pieu en plein cœur, de façon à éviter qu’elle ne puisse livrer trop d’informations à la police.
Un roman plutôt intéressant dans sa manière de jouer sur les différents aspects du vampire sans tomber trop dans le sensationnalisme. L’écrivain sait convoquer auteurs et textes connus ds amateurs du genre pour appuyer les ambiances (et une hésitation surnaturel/réel). Quelques lourdeurs néanmoins à noter devant l’omniprésence procédurale, et des ajouts qui n’apportent rien à la trame.