Détective affilié à la SPR, la Society for Psychical Research, Flaxman Low est reconnu pour son expertise quand il s’agit de démêler un écheveau où le surnaturel semble de mise. Faisant appel à sa logique sans faille, le détective de l’étrange étudie avec soin les lieux comme les victimes, déterminé à débusquer toute supercherie, mais n’hésitant pas, pour autant, à rejeter l’explication parapsychologique quand cette dernière s’impose. Mais il lui arrive également d’affronter des ennemis bien humains qui utilisent le surnaturel (ou son apparence à mauvais escient. Le tout avec un sang froid rare, associé à des connaissances poussées dans de nombreux domaines.
Publié dans la collection Baskerville de Rivière Blanche, les douze nouvelles qui composent ce recueil sortent de l’oubli ce qui s’avère être le premier détective de l’étrange, avant Harry Dickson et Carnacki. Jean-Daniel Brèque, mastermind de la collection, continue donc son travail de dépoussiérage, remettant au goût du jour des auteurs ou des personnages de l’époque victorienne qui n’ont (pour la plupart) plus de visibilité éditoriale en France (voire n’en ont jamais eu). A la différence de la plupart des titres de la collection, c’est pourtant bien à Aurélie Bescond qu’on doit ici le travail de redécouverte des textes qui composent le recueil, à commencer par leur traduction. Chose amusante, c’est après avoir acheté ce recueil que j’ai recroisé le nom du personnage de Jean Marigny dans un article de la revue Temps Noir intitulé «Détectives et vampires». Le spécialiste bien connu du vampire de fiction y pointant l’existence d’au moins une nouvelle mettant en scène Flaxman Low face à une entité vampirique. Il n’en fallait pas plus pour que la lecture du recueil sorti il y a quelques mois n’en devienne prioritaire.
Et bien m’en a pris, au vu de la qualité des douze nouvelles qui composent ce recueil. Si ces nouvelles avaient très tôt bénéficié d’une publication reliée (en 1899, soit l’année de sortie du dernier texte), seules trois d’entre elles avaient bénéficié d’une traduction. Pour autant, Aurélie Bescond propose bien ici une retraduction complète (quand le texte existait en français), voire de l’inédit. On y suit donc les enquêtes de Flaxman Low, personnage plus observateur que réellement actant, qui confronte la logique avec les manifestations de l’au-délà. La quasi-totalité des récits du recueil mettent ainsi en scène des cas de maisons hantées, dont les protagonistes finissent par faire appel à Low devant leur incapacité à juguler le phénomène (voire après que ce dernier ait mené certains de leurs proches au trépas). Il y est donc fortement question d’esprits, et de manifestations paranormales ayant un impact sur le réel. Mais c’est essentiellement parce que la logique de l’enquêteur ne récuse aucune possibilité, car certains textes se soldent par une conclusion n’ayant rien de surnaturel. Si le parallèle avec Sherlock Holmes (amour de la logique oblige) s’impose relativement vite, l’arrivée d’un adversaire à la mesure de Flaxman, le Dr Kalmarkane, appuie en guise de conclusion ce parallèle. L’ensemble se terminant sur un affrontement digne de celui de Holmes et Moriarty aux chutes de Reichenbach.
Au moins deux des nouvelles du recueil flirtent avec la figure du vampire. La première, «L’homme qui tousse» voit Flaxman Low faire face à une entité qui puise l’énergie nécessaire à son maintien dans le réel sur ses victimes, les conduisant irrémédiablement au trépas. La seconde, où le lien est plus notable, «L’affaire Baelbrow» est également un des textes les plus originaux du recueil, qui mixe différentes thématique (le vampire, donc mais aussi le folklore égyptien). On y voit intervenir une créature qui prend vie progressivement, en s’abreuvant à même des victimes humaines, dont elle ponctionne le sang. Flaxman détaillera, en conclusion (comme bien souvent dans le recueil) l’explication de ce phénomène, et le croisement improbable de deux figures-clés du fantastique.
Une réelle surprise pour moi, car passé l’intérêt vampirique de l’ouvrage, ce recueil pose une atmosphère des plus réussie, et met en scène un personnage qui n’a rien à envier à ses (plus) illustres successeurs. Flaxman Low méritait vraiment d’être découvert, merci donc à Baskerville !