El Hijo del Hierofante est un jeune catcheur de lucha libre en pleine ascension. Un soir, alors qu’il rentre chez lui, il s’interpose entre les membres d’un cartel et un enfant que ces derniers tentent de kidnapper. Ce qu’il ignore, c’est qu’une nouvelle drogue a été introduite sur le marché, et qu’elle suscite des conflits entre les différents groupuscules criminels. Cette drogue trouve son origine dans la mise au jour d’un temple aztèque, que d’autres recherchent en vain, à commencer par la mystérieuse Mayra Miasoxgl.
De Julien Heylbroeck, on connaissais déjà l’intérêt pour le monde de la lucha libre, par l’entremise de la série des Green Tiburon, parue aux éditions du Carnoplaste. Les rôlistes savent que l’auteur est une des têtes pensantes derrière le jeu de rôle Luchadores. Dans un autre genre, le sieur Heylbroeck avait également flirté avec la figure du vampire dans Le dernier Vodianoï. À travers ce dernier, il se penchait à sa manière sur l’imaginaire russe, au travers d’un récit d’urban fantasy plutôt accrocheur. Le cartel de sang est à la croisée des chemins entre ces deux travaux (et d’autres du romancier, comme l’excellent Stoner Road). Si Green Tiburon met un catcheur masqué en scène, la série le voit évoluer dans l’archipel imaginaire de Los Murcielagos (qui est également le cadre du jeu de rôle précité). Le cartel de sang, par opposition, se situe clairement dans un Mexico contemporain, où la corruption et la mainmise des cartels sont prégnantes.
El Hijo del Hierofante, jeune catcheur héritier du masque de son père, fait évidemment penser au personnage de Santo. Ce justicier masqué, vrai lutteur de lucha libre, se fera un nom dans le cinéma mexicain des années 1960. Et les vampires apparaissent régulièrement en antagonistes du héros mexicain, notamment dans Santo vs. las mujeres vampiro (1962) de Alfonso Corona Blake, ou encore Santo en el tesoro de Drácula (1968) de René Cardona. Pour autant, le cadre contemporain du Cartel de sang est très éloigné de l’ambiance sixties des aventures de Santo. La place accordée au trafic de drogue, et à la cohabitation entre des puissants corrompus et les quartiers surpeuplés de la ville rajoute un certain vernis social. L’ensemble offre au lecteur une histoire équilibrée, qui ne dissimule pas ses influences (et fait de nombreuses allusions aux univers de l’auteur) sans pour autant tomber dans le fan service.
À l’image du dernier Vodianoï, l’écrivain choisit ici de mettre en scène une créature vampirique plutôt qu’un vampire classique. Julien Heylbroeck puise l’idée des cipactli dans le bestiaire aztèque. Il s’agit d’une entité qu’on dit toujours affamée, et dont chaque articulation est garnie d’une bouche. Le romancier reprend ces éléments, et modèle la créature pour en faire avatar de vampire. Avec les buveurs de sang que l’on connaît, elle partage avant tout la soif d’hémoglobine et l’immortalité. La lumière du soleil ne semble pas impacter ses mouvements. Enfin, les armes traditionnelles paraissent ralentir ces entités, même si elles sont extrêmement résistantes.
Un bel hommage à l’imaginaire de la lucha libre, avec ce personnage de catcheur masqué qui décide de se faire justicier et se retrouve (malgré lui) à faire face à des créatures aussi dangereuses qu’immortelles. Un très bon moment de lecture, qui mélange allègrement catch mexicain, fantastique et polar. On espère que cet opus signe l’acte de naissance d’un nouveau justicier masqué sous la plume de Julien Heylbroeck, car tous les ingrédients nécessaires sont là.