Il suffit que Victoria monte sur son vélo et passe sur le vieux pont derrière chez elle pour ressortir là où elle le souhaite. Elle sait que personne ne la croira. Elle-même n’est pas vraiment sûre de comprendre ce qui lui arrive.
Charles possède lui aussi un don particulier. Il aime emmener des enfants dans sa Rolls-Royce de 1938. Un véhicule immatriculé NOSFERA2. Grâce à cette voiture, Charles et ses innocentes victimes échappent à la réalité et parcourent les routes cachées qui mènent à un étonnant parc d’attractions appelé Christmasland, où l’on fête Noël tous les jours ; la tristesse hors la loi mais à quel prix…
Le troisième roman de Joe Hill, fils aîné de Stephen King, est son premier émargeant dans le genre vampirique. Mais il ne s’agit pas là de vampires classiques, mais plutôt de vampires psychiques. À bord de sa vieille voiture, qui est comme une prolongation de lui-même, Manx aspire l’âme de ses victimes, leur aliénant totalement l’esprit pour en faire des goules aux bouches garnies de multiples rangées de dents, acquises à sa cause et accros à Christmasland, le domaine semi-onirique créé – ou développé – par Manx. Mais comme de nombreux psychopathes, celui-ci n’a pas l’impression de faire de mal aux enfants, simplement de leur offrir une vie meilleure, de les subtiliser à des parents abusifs, violents. La souffrance et le malheur des enfants enlevés fournissent le carburant de la Rolls-Royce.
Manx est âgé de plus de cent ans. Mais l’aspiration de la souffrance des enfants lui permet de rajeunir, tandis qu’eux-mêmes sont transformés physiquement et psychologiquement par sa voiture, qui est capable de se mouvoir toute seule. Privé de cœur après une autopsie, il continue à sillonner les routes pour enlever des enfants. C’est un homme de haute taille, ressemblant au personnage principal du Nosferatu de Murnau (d’où l’immatriculation de la voiture, issue d’une blague d’une ancienne épouse, et qui donne son nom au roman), qui se balade une partie de l’histoire avec un maillet de Colin à la main, un marteau dont le long manche se termine en crochet. Manx aime bien se faire seconder par des marginaux carrément dérangés, comme ici un pervers sexuel expert en gaz incapacitant.
Le récit est prenant, mais très dense, sans que la lecture soit difficile. Hill mène bien sa barque, jusqu’à une fin aux allures d’apocalypse, qui ne laisse pas sa part au politiquement correct. C’est aussi un récit à tiroirs, car Joe Hill fait des passerelles avec ses autres oeuvres (romans, nouvelles ou comics) et même avec l’œuvre de son père. Fortement recommandé.