Le Temps des cerisiers est un recueil d’histoires courtes signées Tsukasa Hōjō, auteur bien connu pour ses séries Cat’s Eyes, City Hunter (AKA Nicky Larson, pour ce qui est de l’adaptation animée) et Angel Heart. En marge de ses séries de longue haleine, l’auteur a régulièrement sorti des recueils d’histoires au fil de sa carrière. Il y a quelques années, à la faveur d’un dossier du défunt magazine Ekklipse, j’étais tombé sur l’existence d’une histoire courte de l’auteur, intitulée « Taxi Driver », qui se penchait de manière originale sur le thème du vampire. Ki oon rééditant ces temps-ci le recueil Le Temps des cerisiers, je ne pouvais décemment pas passer à côté.
Ce serait dommage d’ignorer les autres titres de cet opus, même si c’est bien la nouvelle vampirique qui nous intéresse. D’emblée, le lecteur se retrouve plongé dans une ambiance poétique, qui rappelle sous certains aspects l’atmosphère d’un Jiro Tanigushi, avec une petite touche fantastique (ou à la lisière du fantastique) en sus. Les histoires sont ainsi assez touchantes, et permettent de découvrir une facette de l’œuvre de Hōjō que je n’imaginais pas.
L’auteur assure donc à la fois le scénario et le dessin. On reconnaît bien le style graphique des séries phares de l’auteur (et certains clins d’oeils à City Hunter et Cat’s Eyes émaillent les nouvelles). Le trait est fin et dynamique, assez réaliste dans l’ensemble, mais l’auteur ne s’interdit pas quelques touches humoristiques et son trait s’adapte aux codes du genre.
« Taxi Driver » est donc la nouvelle qui nous intéresse. Cette dernière se consacre au personnage d’Akira, un chauffeur de taxi vampire qui parcourt la ville à la recherche du sang de jeune vierge, seul capable d’éteindre sa soif. Pour autant, il ne tue pas ses victimes, se contenant de ponctionner uniquement le nécessaire. Imaginer un vampire complètement adapté à la société moderne (et dont les caractéristiques ont évolué) est une idée que Hōjō réussit pleinement à s’approprier. Et si l’essentiel de la trame narrative de cette histoire est davantage liée au personnage de Nagisa, l’auteur n’en propose pas moins une relecture maîtrisée du thème des bêtes à crocs.
Les vampires tels qu’abordés ici ont perdu certaines de leurs caractéristiques d’origine. Ils ne tuent plus pour se nourrir, et se contentent de boire la quantité de sang dont ils ont besoin. Cependant, ils éprouvent encore quelques affects liés à leur condition, comme une indisposition forte à l’ail, aux symboles religieux brandis avec foi ou à la lumière du soleil (qui leur est létale). Reste, en outre, une légende qui voudrait que la larme d’une jeune vierge versé par amour pour un vampire offrirait à ce dernier une nouvelle vie. Ce qui justifie de manière assez originale l’attrait du vampire pour le sang virginal.
Je dois reconnaître que je ne m’attendais pas forcément à un recueil de cet acabit. Si l’histoire « Taxi Driver » est à la fois originale et propose une relecture moderne et bien ficelée du thème du vampire, l’ensemble des récits qui composent ce recueil est empli d’une poésie et d’une sincérité assez bluffantes.
Marrant une telle expérimentation de la part d’un auteur habituellement plus « léger » ! Merci pour cet intéressant article.