Depuis la disparition de sa mère, Merryvère Carmine s’est faite monte-en-l-air pour subvenir aux besoins de son ainée et de sa benjamine. Car sans moyen de subsistance, difficile de survivre dans la ville de Grisaille, partagée entre ses huit familles d’aristocrates, le tout sous la gouvernance de la reine. Alors qu’elle pense être enfin sur une affaire juteuse, Merryvère se retrouve mêlée à un des sempiternels complots que se livrent les familles pour prendre le pouvoir. Si elle veut sauver sa vie et protéger ses sœurs, la jeune femme va devoir démêler l’écheveau qui se présente à elle.
Les sœurs carmines est le premier roman de Ariel Holzl. Si l’influence de Tim Burton mise en avant autour du roman aurait pu me faire fuir, étant donné que le réalisateur tend à m’agacer depuis de nombreuses années, le pitch aura malgré tout su attirer mon attention. Je suis assez friand de ces villes-univers peuplées de créatures surnaturelles où la lutte pour le pouvoir donne lieu à des intrigues machiavéliques. Et pour le coup, Grisaille s’impose avec une certaine originalité comme un mix entre le Londres victorien (avec son brouillard impénétrable) et la Venise des doges (pour les intrigues de cour).
Plus qu’à Burton, j’ai envie de penser à Pratchett et à son Ankh-Morpokh, à Ted Naifeh et à sa série Courtney Crumrin, voire au Wastburg de Cédric Ferrand. Le ton est assez léger, collection young-adult oblige. J’apprécie à cet égard le travail effectué sur les chapitres qui reprennent en fac-similé le journal de Dolorine. Ce sont des interludes pour le moins sympathique qui font avancer l’intrigue tout en révélant progressivement les capacités de la petite fille. Et les quelques touches graphiques apportées à ces chapitres rehaussent comme il se doit l’objet (qui est nanti d’une très belle couverture et d’une maquette graphiquement très accrocheuse).
Au niveau des vampires, ils constituent une des grands familles à la tête de Grisaille. On les appelle les Vermeils, du nom du fondateur de la lignée. S’ils sont censés être immortels, les intrigues de cours peuvent finir par avoir raison de leur non-vie. Ils craignent la lumière du soleil et bien évidemment, se nourrissent de sang pour survivre, et on les reconnaît aisément à leur teint blafard. L’auteur amène en outre sa touche d’originalité avec les miroirs : les vampires s’y reflètent mais pas en temps réel (il y a un décalage). A noter, enfin, qu’à Grisaille les vertus des bains de sang sont réputés même en-dehors du cercle des vampires.
Un premier opus prometteur, qui pose l’ambiance de la ville de Grisaille, et nous y fait plonger aux côtés du trio des sœurs Carmines. La plume est inventive, l’histoire ne manque pas de rebondissement (jusqu’à la dernière page !), bref une nouvelle série (et un jeune auteur) à suivre !