Vianney a été embauché par l’une des principales chocolateries de la ville. Pour autant, il est incapable de goûter du chocolat, et ce depuis qu’il a été transformé en vampire. Depuis ce jour, seul le sang lui permet d’assurer sa subsistance. Edmond et Sérénité vivent en couple, elle assurant l’apport de sang de son conjoint vampire. Tous les deux sont artistes, mais ne fréquentent que peu de monde, en dehors de Patrick, leur logeur et ami proche, et Baptiste, l’éditeur d’Edmond. Tout ce petit monde va cependant se retrouver au coeur du projet imaginé par Doriane, une artiste performeuse décidée à travailleur avec des vampires.
Si je suis depuis leurs débuts les sorties des Editions du Petit Caveau, j’étais quelque peu passé à côté de ce premier roman (a priori un one-shot) de Jade Corbeau. La lecture en est fluide, le style est propre et travaillé sans fioritures. Pour autant, au terme de ma lecture, je suis bien en mal d’émettre un avis sur mon ressenti de lecteur. Car en fin de compte, il n’y a pas réellement de trame au récit, si ce n’est l’évolution des relations entre les personnages. Il y a bien une ébauche d’intrigue concernant l’exposition qui fait se rencontrer tout ce petit monde, mais elle n’est finalement pas tant exploitée que ça. Même chose pour ce qui est de l’univers du chocolat, qui est pour le coup très bien intégré à l’ensemble (pour des passages qui distillent une ambiance convaincante), tout en permettant un jeu sur le thème de la sensualité, mais ces éléments s’avèrent en fin de compte plus là pour donner corps aux personnages que pour participer réellement à l’histoire.
Pour autant, il y a des choses très intéressantes dans la manière dont l’auteur fait évoluer sa galerie de personnages, et dans sa description des relations entre vampires et humains, dans le contexte qu’elle pose d’emblée, via un message de forum qui trouvera son explication par la suite. La thématique de l’attraction physique est particulièrement centrale, et la difficulté pour des relations vampires-humains de se faire, alors que les deux ont des besoins différents. C’est bien ces éléments du livre qui tiennent tout l’intérêt de l’ensemble, et sont assez bien amenés pour maintenir l’intérêt du lecteur au fil du récit. J’aime beaucoup les textes qui prennent le contrepied des codes narratifs usuels, mais là, j’ai malgré tout un goût de trop peu en bouche une fois tournée la dernière page.
Pour ce qui est du vampire, Jade Corbeau pose direct les bases d’un univers où l’existence des buveurs de sang est connue de tous… sans pour autant qu’ils soient acceptés de manière globale (preuve en est de l’après transformation de Vianney). Certains commerces (boucheries, mais pas que) possèdent ainsi une licence leur permettant de vendre du sang, même si les quantités sont surveillées. Au moment où débute l’histoire, l’État a en sus mis en place une loi permettant à un humain et un vampire de vivre en couple en se déclarant officiellement. À noter, enfin, l’importance accordée à la salive par l’auteur, dont l’action cicatrisante permet aux vampires de faire disparaître toutes traces de leurs morsures.
Si l’univers a des côtés intéressants, et l’utilisation du thème de la chocolaterie permet de jouer sur la sensualité (en phase également avec les vampires et la manière dont il sont mis en scène), je trouve que l’absence d’une vraie intrigue de fond dessert par trop l’ensemble. Mais l’auteur en est à son premier roman, il y a fort a parier que la suite de sa production sera à suivre.