Après les événements survenus dans Les Vestiges de l’aube, Barry reprend le chemin du commissariat, alors que ses liens amicaux avec Werner se sont raffermis. Sitôt arrivé, Barry se voit plongé dans une enquête pour le moins sordide : un pasteur et son fils ont été retrouvés assassinés, et tout laisse à croire qu’un ancien indic de l’inspecteur Donovan, qui était sur place, est coupable. Mais où est passée la main du prêtre, sectionnée post-mortem ? Et qui sont ces mystérieux hommes de main qui n’hésitent pas à aller récupérer une pièce à conviction au sein même de la police ?
Après avoir découvert l’auteur et sa première série chez Rivière Blanche, suivi la transition chez Michel Lafon, et la récente réédition du tome 1 chez 10/18, voici donc venue cette suite assez attendue. Si dans la première version des Vestiges de l’Aube, David Khara donnait encore l’impression de se chercher malgré des idées déjà bien maîtrisées (surtout pour un premier roman), le travail sur son autre saga, Le Projet Bleiberg, lui ayant donné matière à réflexion pour appuyer la dimension polar à son premier ouvrage, la première réédition intégrait davantage l’enquête policière à la trame fantastique.
Une nuit éternelle intègre ainsi l’aspect polar avec les ingrédients qui faisaient l’intérêt du premier opus (et dont l’équilibre s’est affiné au fil des rééditions) : des renvois historiques (à la guerre de sécession, qui ouvre ce tome deux) et une ambiance fantastique (davantage développée ici), qui n’est plus forcément centrée uniquement sur Werner. C’est d’ailleurs l’un des axes moteurs de cette suite. Après s’être consacré à mettre en scène la rencontre et le développement de l’amitié entre le flic et le vampire, tous deux ayant vécu une perte similaire, l’auteur donne ici à Werner l’occasion de se pencher sur les origines de son immortalité. Si j’ai pu trouver l’enchainement un peu trop rapide, l’ambiance est réussie, à commencer par l’aspect policier. L’évolution de l’intrigue va également mettre en danger la relation entre les deux personnage principaux.
Niveau vampire, on en apprend donc ici davantage sur la création des buveurs de sang, ce qui permet de découvrir que Werner est un cas à part vis-à -vis de ses pairs. Les vampires sont ainsi des créatures créées par des sorciers, de manière à collecter le sang dont ils ont besoin pour lancer leurs sorts. Werner semble être un des seuls vampires à être doué de raison. Par ailleurs, seules les croix templières (ennemis des mages) semblent avoir un effet sur lui. Werner est en mesure de réfréner son besoin de sang, qui lui est essentiellement utile pour se servir de ses pouvoirs (transformation en brume, en faucon), qui ne sont pas liés à sa part vampirique (j’éviterai d’en dire plus à ce niveau pour ne pas gâcher le plaisir de lecture).
En convoquant d’autres imaginaires (l’ordre du Temple, la sorcellerie), David Khara structure ici sa propre mythologie vampirique, qui trouve certes ses racines en Europe de l’Est, mais s’éloigne des sentiers habituels. Un retour plutôt bien fichu à cette série qui l’a fait connaître, qui permet de découvrir le vampire dans un cadre contemporain qui baigne fortement dans le polar. Si le déroulement de l’action m’a parfois semblé un peu trop précipité, je mentirais en disant que je n’ai pas aimé, les deux derniers tiers du roman ayant été achevé d’une seule traite. Les habitués reconnaitront la patte de l’auteur, qui mélange Histoire et polar avec toujours autant d’aisance. Ceux qui ont apprécié le premier opus n’ont aucune excuse de ne pas poursuivre la lecture, l’auteur ayant bien fait mûrir sa plume depuis le premier opus. Quant aux autres, qu’attendez-vous ? Pour ma part, j’attends désormais de voir ce que l’auteur va nous réserver pour clore sa trilogie.