En 3333, vampires et humains cohabitent au sein de la mégalopole Asylum. Un insaisissable tueur de vampires commence à défrayer la chronique, d’autant qu’il semble surtout s’attaquer à des personnes en vue. Le binôme formé par le vampire Atticus Black et l’enquêtrice Harper Halloway est mis sur l’affaire. Activant des contacts de ses précédentes affectations, Black parvient à arrêter le coupable. Mais ce Deux Ex Machina intrigue sa collègue, qui finit par surprendre Black en train de boire le sang de son prisonnier. Pris sur le fait, ce dernier s’apprête à faire taire Halloway quand un individu masqué et armé d’un sabre s’introduit dans la cellule.
Bleed Them Dry est une minisérie initialement publiée chez Vault Comics, une maison d’édition indépendante qui a à son catalogue d’autres titres sur le sujet, dont le très bon These Savage Shores (déjà traduit par Hicomics). On est cependant très loin ici de l’approche historique du comics de Sumit Kumar. Bleed Them Dry est à la croisée des chemins entre thriller, cyberpunk et fantastique. Le récit est dans le même temps très influencé par le cinéma asiatique, les yakuzas et les arts martiaux étant particulièrement présents.
Ce pot-pourri doit sans doute aux différentes personnalités qui ont donné vie à la trame. L’idée originale est due à Hiroshi Koizumi, acteur récurrent dans les films de la saga Godzilla (depuis Godzilla Raids Again en 1955). La trame est par la suite confiée à Eliot Rahal, scénariste de comics ayant officié pour Valiant, Dark Horse, Oni Press… C’est enfin Dike Ruan, un dessinateur d’origine chinoise, mais résidant en Europe, qui est chargé du graphisme. Ce dernier a travaillé pour Marvel autour du personnage de Spiderman, et impose ces temps-ci son style sur Shang-Chi.
De fait, si l’idée d’une société future où vampires et humains vivent (en apparence) en paix n’est pas nouvelle, ce melting-pot et les horizons très différents des créateurs offrent à la minisérie une certaine forme d’originalité. Les multiples éléments du pitch d’origine sont progressivement exploités, qu’il s’agisse de la mégalopole qui sert de cadre à l’ensemble, les aspects cyberpunk (notamment au niveau des modifications corporelles dont bénéficiera Atticus après avoir été grièvement blessé), la place des yakuzas dans la lutte contre les vampires, etc. Si les débuts sous forme d’enquêtes laissent un temps croire à une trame conventionnelle, les apparences volent rapidement en éclat, dévoilant la duplicité sur laquelle est bâtie Asylum.
Graphiquement, Bleed Them Dry est une bonne surprise. Le dessin de Dike Ruan ancre avec réussite ses protagonistes dans la mégalopole futuriste d’Asylum… laquelle a de forts relents tokyoïtes (on pense également à Blade Runner). Si la plupart de l’intrigue se déroule la nuit, l’ensemble reste malgré tout lumineux, le coloriste Miquel Muerto s’applique à donner une grosse part de dynamisme aux différentes scènes d’action, soulignant à sa manière la dimension cyberpunk du récit.
Côté vampire, il y a avant tout l’idée que les buveurs de sang et les humains sont parvenus à établir un équilibre, personnifié par une ville par Asylum dans laquelle les deux espèces vivent en paix. De fait, cohabitent ici les vampires originels, les convertis (transformés par les précédents) ou les hybrides, dont la transformation n’est pas totalement achevée. Tous partagent leur soif de sang, l’absence de reflet dans les miroirs et une force décuplée. Ce qui semble les différencier, principalement, a trait à leur attitude face au sang. Les hybrides et les convertis peinent à se contrôler lorsqu’ils sont mis en présence de sang. Une arme plantée en plein cœur comme l’exposition à la lumière du soleil, voire la destruction par les flammes, permettent de tuer un vampire. À noter que les sangs purs ont des capacités supplémentaires. Si l’histoire ne répond jamais totalement à la question, ces derniers ne paraissent pas venir pas de notre monde, et que leur victoire sur l’humanité, plusieurs siècles auparavant, est à l’origine de la situation présente. Les premiers hybrides semblent à ce titre avoir été créés par les vampires pour mater toute révolte (le nom donné à ces vampires, le P.I.E.U., est un joli clin d’œil). Enfin, les côtés cyberpunk du titre croisent également l’utilisation de la figure du vampire, Atticus Black devenant un vampire génétiquement modifié, avec des capacités uniques.
Une série plutôt réussie, aussi bien sur les plans graphiques que de son scénario, même si elle exploite des poncifs à la mode depuis plusieurs années (l’idée d’une coexistence – difficile – entre humains et vampires).