Issu de faits étranges déformés par l’imagination populaire, le vampire — est-il nécessaire de le rappeler ? — est un défunt qui, à la faveur de la nuit, revêtant parfois une forme animale, s’échappe de son tombeau pour sucer le sang des vivants, seule « nourriture » à son goût… En historien des mentalités, Claude Lecouteux s’attache aux témoignages originaux relatant ces insolites phénomènes et dresse un inventaire des précurseurs de la redoutable créature, remontant à la plus haute Antiquité où abondent lamies, striges et goules, démons femelles la plupart du temps.
S’appuyant sur des archives judiciaires, l’auteur étudie plusieurs cas de vampirisme jugés avec le plus grand sérieux, notamment au siècle des Lumières, où l’on n’hésitait pas à ouvrir les tombes pour décapiter les cadavres suspects et les rendre à jamais inoffensifs. Ainsi se trouvent retracées la constitution et l’évolution du mythe du vampire, qui s’épanouira, au XIXe siècle, dans le très célèbre et romantique Dracula de Bram Stoker, puis connaîtra jusqu’à nos jours d’innombrables versions littéraires et cinématographiques.
Voilà un ouvrage réellement passionant pour qui s’intéresse aux vampires. Claude Lecouteux, personnalité incontournable pour tout amateur des mythologies de l’au-delà propose en effet ici une enquête érudite aux sources du mythes. S’appuyant sur les textes connus sur le sujet (Dom Calmet, Ranft et Rohr en tête), Claude Lecouteux va cependant bien au-delà de ces références canoniques, exhumant à tour de bras une quantité impressionnante de récits, textes et légendes pour étayer son propos au plus près. Chaque type de vampire, chaque caractéristique vampirique est ainsi abordée au travers de récits foisonnants, pour certains jamais traduit en français.
Comme si cela ne suffisait pas, Lecouteux propose aussi dans cette ouvrage une partie entièrement dédiée aux origines des différentes types de vampires, analysant leur étymologie, établissant des connexions entre eux, dans un souci d’exhaustivité qui n’est pas sans rappeler la Mythologie du vampire en Roumanie de Cremene, qui se cantonnait pour sa part uniquement au folklore roumain. Lecouteux quant à lui recense les différents visages des vampires à travers certes la Roumanie, mais aussi la Grèce, la Russie, les pays nordiques, l’Asie, l’Afrique, etc. démontrant par la même la pluralité et l’universalité de la thématique des buveurs de sang.
On est ici encore loin de la créature popularisée par la littérature d’imagination, mais bien dans les thématiques des morts qui mâchent, des revenants en corps qui ont embrasé les XVII et XVIIIe siècle, popularisé notamment par les textes ou rapports des trois auteurs cités plus haut. Lecouteux analyse également le pourquoi de ces épidémies, les inscrivant dans une chronologie qui a peu à peu fait basculer le vampire du folklore populaire vers le vampire littéraire et cinématographique.
Un livre excellent, d’une incroyable érudition qui permet de revenir sur les origines d’un mythe dont le succès atteint actuellement des cimes. Bien écrit et structuré, pointu sans être pompeux, voilà un livre chaudement recommandé.