En 1912, à Barcelone, la petite Teresita est enlevée en pleine rue, alors que sa mère à un instant d’inattention. Sa disparition va mettre tout le pays en émoi, la grogne montant peu à peu contre l’incapacité de la justice à mettre la main sur le ravisseur… et retrouver l’enfant. Un concours de circonstance met la police sur la trace d’Enriqueta Marti, une femme à l’allure de sorcière chez laquelle on retrouve Teresita, rasée. L’enquête du juge De Prat va peut à peut mettre au jour une horrible vérité.
C’est la troisième fois que les Éditions du Long Bec proposent un ouvrage susceptible de se retrouver disséqué par ici. Mais on est loin du vampire au sens fictif du terme : La Vampire de Barcelone explore une affaire particulièrement macabre du début du XXe siècle espagnol, qui est à ranger du côté des Peter Kürten et autres Jack L’Eventreur. On est donc en présence de l’utilisation par la presse (et l’opinion publique) du mot vampire pour désigner un meurtrier en série qui a un rapport particulier au sang.
Je n’avais à ce jour jamais entendu parler de cette histoire, qui est revenu sur le devant de la scène depuis quelques années, en Espagne. Il semble que les romanciers et autres créatifs voient en la personne d’Enriqueta Marti un moyen d’explorer le passé criminel du pays, et s’échinent depuis 2014 à essayer de rétablir la vérité sur cette affaire. Le trio d’auteurs qui propose cet album n’optent pour autant pas sur une remise en cause : ils préfèrent raconter de manière objective (mais extrêmement documentée) ce qui s’est passé entre la disparition de Teresita et l’enterrement d’Enriqueta, en prenant le juge Fernando de Prat pour principal protagoniste et fil conducteur. L’album a, par son approche détaillée et factuelle un côté relativement froid, mais l’ensemble est bien mené, et le matériel qui accompagne l’album sont autant d’éléments qui en augmentent l’intérêt.
Je ne suis pour autant pas totalement convaincu par le dessin. Je trouve que le style du dessinateur manque parfois d’homogénéité dans sa manière de dessiner les visages des protagonistes. Pour autant, couplé à son sens du cadrage, aux jeux de lumière et à la couleur assez réussie (même si informatisée), Jandro Gonzalez participe au final de manière assez convaincante à l’ensemble.
On n’est donc pas ici en présence d’un vampire de fiction, mais d’une tueuse en série dont les exactions ont abouties à sa caractérisation en vampire. Enriqueta Marti conservait en effet dans des bocaux le sang et la graisse des corps d’enfants qu’elle faisait disparaitre, pour s’en servir à l’élaboration d’onguents pour de riches (et influents) acheteurs. Quelques années à peine après la publication du Dracula de Stoker, et alors que ce dernier ne sera finalement traduit en espagnol qu’en 1962, on mesure déjà dans l’inconscient collectif la place qu’avait acquis le vampire, et ce qu’il représente.
Un album riche en matériel annexe qui achève d’en faire une entrée en matière passionnante pour cette affaire criminelle relativement méconnue en dehors des frontières espagnoles.