Bretagne, dans les premières années du XIXe siècle. À la demande de sa grand-mère Mme de Kerville, Anna doit quitter le pensionnat et revenir au manoir de Plene’ch, l’antique demeure familiale. Lors d’une promenade, elle est victime d’une chute qui la conduit aux portes de la mort. L’accident la laisse muette, alors que des visions infernales s’imposent à elle. L’Enfer semble en effet lui ouvrir les bras, sans qu’elle n’en comprenne les raisons. Une étrange présence fantomatique lui apparaît également, comme si elle désirait communiquer avec elle. Désormais incapable d’utiliser sa voix, son quotidien se pare d’une angoisse morbide, dont seul son cousin, Charles, parvient encore à la tirer. Mais pour combien de temps ?
Malaïka Macumi n’est pas une inconnue pour les amateurs de la fiction ès vampires. En 2006, elle leur consacrait son mémoire de Master, La Figure du vampire dans la littérature française du XIXe siècle. Depuis, elle a publié une poignée de nouvelles, suivies en 2001 d’un premier recueil, Les Anges de l’Ombre (Éditions du Petit Caveau), et d’un second, Hantises : chroniques d’outre-tombe (Éditions Eleusis), en 2018. Pour autant, Le dévoreur d’âmes est son premier roman (ou plutôt novella, compte tenu de la longueur du livre).
Ceux qui auraient déjà lu Malaïka retrouveront ici les ambiances chères à l’auteure, dont l’inspiration est à aller chercher dans le XIXe fantastique. Le récit fait la part belle aux protagonistes féminins, qui dominent l’intrigue. Il y a déjà Anna, orpheline confiée très tôt en pensionnant qui revient vivre dans le manoir familial. Il y a le personnage de la grand-mère, matriarche à la poigne de fer. Il y a cette présence fantomatique, qui se révélera être une ancienne domestique décédée. Et il y a enfin Madame Guilhain, l’unique amie d’Anna. Les protagonistes masculins importants sont en nombre beaucoup plus réduit. Il y a déjà Charles, l’autre petit-fils de Madame de Kerville. Il est longtemps le seul véritable ami et allié d’Anna. Et il y a ce personnage que finit par rencontrer la jeune femme, que semble connaître sa grand-mère.
Le texte convoque des thématiques bien connues des amateurs de littérature fantastique. Anne, devenue muette, est désormais sensible au monde des esprits, d’autant que son accident lui offre une expérience de mort imminente. Son absence de voix, elle finit par la compenser par son besoin de coucher par écrit ses doutes et ses craintes. La sorcellerie s’invite également dans le récit, comme le lecteur le découvre au moment où la trame bascule, après une première confrontation entre la grand-mère et sa petite fille. La quête de l’immortalité est elle aussi un des éléments centraux de l’histoire, tout comme le pacte diabolique. Les obsessions que finit par révéler Madame de Kervielle la rapproche à ce titre d’un Gilles de Rais, voire de la comtesse Bathory.
La figure du vampire ne s’impose qu’au moment où le texte affirme son ancrage fantastique. On découvre à ce moment-là quel pacte a passé la grand-mère d’Anna, la place qu’y tient le sang, qu’il s’agisse du précieux liquide rouge ou du sang en tant que lien filial. Anna sera attaquée avant son heure par l’entité avec qui sa grand-mère à signé un pacte. Ce pacte, on s’en doute, doit lui conférer l’immortalité. Anna portera à partir de là la marque de cette attaque, sous la forme de deux morsures à la gorge. Le don du sang est essentiel : il permet à Madame de Kerville de prolonger sa vie depuis plusieurs générations, mais peut aussi sauver Anna de la mort.
Avec Le dévoreur d’âmes, Malaïka Macumi nous offre son premier texte long, où elle convoque ce XIXe siècle fantastique qui est au cœur de sa production depuis les débuts. Sans pour autant renouveler le genre, elle mélange les thèmes dans une ambiance pesante du plus bel effet. Au final, un très bon cru pour les Éditions du Petit Caveau.