Hématite Blackwood est l’héritière d’une puissante famille de vampires. Pour autant, la jeune fille est en révolte contre sa condition. Dégoûtée par le sang, elle préfère se nourrir de soupes, et refuse pour le moment d’intégrer l’académie Diaemus, fréquentée uniquement par des vampires. De fait, elle suit les cours d’une école qui lui permet de côtoyer loups-garous, goules et autres créatures surnaturelles. Et parmi ses camarades, le jeune Émile, dont la petite vampire s’est amourachée.
Hématite est une création signée Victoria Maderna et Federico Piatti. Argentine d’origine, Victoria officie depuis plusieurs années dans la littérature jeunesse espagnole. Son compagnon, Federico, est également illustrateur. Ensemble, ils commencent à travailler sur Hématite à partir de 2017, co-construisant l’intrigue et testant l’approche graphique. Publié par Dargaud, le premier opus de la série est sorti en avril 2021.
Bande dessinée jeunesse et vampires n’en sont pas à leur premier mariage. Des œuvres au long cours telles que Petit Vampire, ou des albums one-shot comme Chaque Jour Dracula montrent à quel point les buveurs de sang peuvent rencontrer l’adhésion d’un public plus jeune. Dans un univers de fantasy où les monstres et les humains paraissent cohabiter, Hématite semble appelé à tracer son chemin sans pour autant reproduire les recettes de ses aînés. Certes, l’idée de suivre un personnage de vampire en rébellion face à sa condition n’a en soi rien de très novateur. Pour autant, le mélange des genres proposés par les auteurs autant que l’approche graphique leur permet de tirer sensiblement leur épingle du jeu.
Il y a également le contexte dans lequel évolue l’héroïne et ses amis. En dehors de la présence de créatures surnaturelles, les choses semblent assez convenues. Et pourtant, les auteurs disséminent ça et là des éléments qui sont autant de mystères qui viennent enrichir le cadre de l’histoire. Pourquoi les rassemblements sont-ils interdits dans la forêt Azur ? Qui tire les ficelles de cet univers, et déportent ceux qui ont recours à des formes de magie peu recommandables ?
Le graphisme de l’album est vraiment réussi. En regardant hâtivement, on pourrait penser à du Kerascoët (Miss Pas Touche) ou du Mathieu Bonhomme (Le Marquis d’Anaon). Un trait d’apparence simple, mais qui recèle beaucoup de surprises à s’y intéresser de plus près. Le duo Maderna/Piatti rajoute à cela une mise en couleur bien à eux, qui vient rehausser un encrage à la plume.
En ce qui concerne les vampires, ces derniers sont pour ce tome 1 essentiellement représentés par la famille Blackpool. Les parents sont des vampires traditionnels, qui boivent du sang et appartiennent à l’intelligentsia vampirique (le père semble mener des recherches sur les créatures surnaturelles). Hématite, en revanche, s’oppose aux diktats de son espèce : elle est révulsée par le sang et se nourrit de soupe. Elle peut voler et est dotée d’une force physique peu commune, et de la capacité d’hypnotiser ses victimes. La jeune vampire est enfin disposée à des accès de rage, sans qu’on comprenne bien pourquoi ce qui les déclenche… même si sa mère pense que son manque de sang en est responsable.
Ce premier tome d’Hématite, s’il démarre sur des bases convenues, parvient progressivement à s’imposer au lecteur, autant par son parti-pris graphique que par son univers. Ce dernier paraît en effet beaucoup plus original que ce que les premières pages le laissent à penser. En tout cas, voilà une série à suivre, à n’en pas douter.