Malka, Richard – Corboz, Yannick. Le voleur d’amour

Adrian est épris d’Anna, mais se refuse à consommer toute relation avec cette dernière. Quelques jours plus tôt, elle a été sauvée par Adrian, alors qu’elle envisageait de se suicider. Mais si Adrian van Gott a empêché la jeune femme de mourir, c’est parce qu’il retrouve en elle son premier amour, celui par lequel la malédiction qui le poursuit depuis plus de deux siècles a débuté. Car Adrian est bien plus âgé qu’il n’y paraît de premier abord. S’il a toutes les apparences d’un être humain, il possède un pouvoir étrange qui lui permet de perpétuer indéfiniment son existence…

Je n’avais jamais eu l’occasion de lire l’ouvrage de Richard Malka, avocat, scénariste et romancier. Le voleur d’amour est son deuxième livre, sorti en 2021 chez Grasset. En revanche, je connais plutôt bien la bibliographie du dessinateur Yannick Corboz. Celui-ci a fait ses premières armes avec Nicolas Pothier, avant de s’associer avec Wilfrid Lupano sur des séries telles que Célestin Gobe-la-Lune et L’assassin qu’elle mérite.

Avec cette copieuse adaptation (200 pages), Yannick Corboz propose en fil rouge de suivre les pas d’Adrian depuis les années 1780 jusqu’en 2021. Venise, Constantinople, Sarajevo, Paris, L’Afrique, New York… D’un côté Adrian se remémore sa vie en la confiant au papier, en partant des temps les plus anciens, de l’autre Anna découvre peu à peu qui est son amant, en remontant par bribes l’incroyable piste. Cette double trame, le dessinateur-scénariste se l’approprie parfaitement, donnant au lecteur de parcourir près de 200 ans d’histoire, de bouleversements du monde. Mais aussi de suivre le destin d’un homme épris d’amour et condamné à voler ce dernier. Un personnage victime de sa situation, et pourtant désireux de vivre, qui va devoir apprendre à maîtriser ses besoins. Le voleur d’amour est avant tout une histoire sur les sentiments et l’amour, cristallisée sur une créature incapable de ressentir… sans ôter à ses partenaires leurs propres émotions.

La force principale de cet album, c’est à n’en pas douter la patte graphique de Yannick Corboz. On retrouve le trait que l’auteur s’est forgé au fil des ans, et de séries comme Célestin Gobe-la-Lune et L’assassin qu’elle mérite. Pour illustrer le texte de Richard Malka, il s’appuie sur un coup de crayon rehaussé à l’aquarelle, qui épouse parfaitement la trame et ses circonvolutions. Son style s’adapte à toutes les époques, et nimbe l’histoire d’une aura lumineuse du plus bel effet. Le dessinateur sait dans le même temps rompre la monotonie de l’enchainement des cases, et proposer des cases en pleine planche.

Adrian est l’entité vampirique du récit. À aucun moment, le mot n’est convoqué, mais certaines caractéristiques du personnage rappellent celles des créatures de la nuit. Il y a déjà cette nécessité à s’abreuver d’autrui, même s’il se nourrit des sentiments (de l’amour), et pas de sang. Ce qui peut laisser ses victimes vidées, et à la limite du suicide, après avoir perdu ces sentiments moteurs. Cette énergie permet à Adrian de traverser les époques sans subir les outrages du temps. Au fait de son pouvoir, il voit ses capacités décupler, notamment sa force physique. En revanche, il n’éprouve aucune difficulté face à la lumière du soleil ou aux artefacts religieux.

Le voleur d’amour est à n’en pas douter une démonstration du talent de Yannick Corboz. Basée sur le roman de Richard Malka, le récit est une belle variation sur la figure du vampire, qui offre au dessinateur de revisiter près de deux cents ans d’histoire. Remarquable.

 

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