Le narrateur voit sa vie bouleversée du jour au lendemain, alors qu’il coule des jours paisibles dans sa maison de Normandie, au bord de la Seine. Sans qu’il parvienne à en comprendre la raison, ses nuits le laissent sans énergie. Peu à peu, émerge en lui l’impression qu’une entité profite de son sommeil pour lui voler son énergie vitale, l’empêchant en sus de s’éloigner trop longtemps de chez lui. Est-ce la folie ou est-il bel et bien la proie d’une créature aux étranges habitudes ?
Texte emblématique de l’écrivain français Guy de Maupassant, « Le Horla » est également un récit vampirique à part, premier à pouvoir rentrer dans la catégorie des vampires psychiques, lesquels s’attaquent à l’énergie vitale de leurs victimes plutôt que de s’abreuver de leur sang. Un texte qui connut trois versions différentes, mais dont la seconde (qui est ici commentée) est la plus connue et la plus répandue.
On y suit donc, jour après jour, l’étrange sensation qui gagne l’esprit du narrateur, peu à peu hanté par l’idée qu’une entité s’attaque à lui lorsque le sommeil le gagne. Se confrontant plusieurs fois au surnaturel, d’abord en discutant avec un moine du Mont Saint Michel, puis à l’occasion d’une soirée sur Paris, le narrateur voit peu à peu le doute s’installer, et ses certitudes s’effondrer quant à la teneur du mal qui le ronge.
Faut-il y voir un parallèle avec la folie qui gagnait peu à peu l’esprit de l’auteur, qui meurt quelques années plus tard (1893) après une tentative de suicide ? Force est en tout cas d’avouer que la lecture de ce texte ne laisse pas insensible, et laisse un curieux goût de mal-être une fois la dernières page tournée. Un mal-être qui semble pointer les faiblesses des connaissances de l’humanité, et annoncer sa chute. Comme le dit lui-même le narrateur : « le règne de l’homme est fini ».
Le horla est une créature particulière dans la fortune littéraire du vampire. Le nom a été créé par Maupassant lui-même, et semble faire état de l’existence d’un au-dehors qui échappe à la compréhension humaine. Une entité qui a pour autant besoin de se nourrir, et doit pour cela parasiter un hôte, dans lequel elle puise la force vitale qui lui est nécessaire, ne variant son régime qu’avec un peu d’eau et de lait. Ces créatures semblent en outre capables d’assujettir la volonté de leurs hôtes, mais ne se montre pas ouvertement à ces derniers.
« Le Horla » est un texte étrange, qui diffère quelque peu du reste de la production de Maupassant en cela qu’il explore un surnaturel à la lisière de la folie (voire de la paranoïa), le texte s’achevant abruptement, laissant au lecteur le soin d’imaginer jusqu’où a pu aller le narrateur pour se débarrasser de l’entité qui le ronge. Un de ces textes particulièrement fort de la littérature française, qui s’apprécie autant pour sa plume (Maupassant y est égal voir supérieur à lui-même) que pour le goût amer qu’il laisse dans la bouche.
A noter que l’édition folio contient en sus la première version du texte et un paratexte pour le moins intéressant, qui apporte plusieurs pistes sur le contexte d’écriture du Horla, notamment au regard de la vie de l’auteur.