« Grammaire, Artialisation et Patrimonialisation de la figure du vampire au XXI siècle » est un discours de Florent Montaclair prononcé à Stockholm en 2016. Ici intégré à un recueil des interventions de l’universitaire, il y propose une analyse du vampire. Notamment sa version contemporaine, à un moment où la créature tend à s’extirper de ses racines fantastiques et à investir plus que jamais le champ de la production culturelle. Partant des Lettres Juives (1736) de Boyer d’Argens, l’auteur donne des clés pour comprendre l’intérêt renouvelé pour le personnage, et les formes que prend son exploitation.
Florent Montaclair fait partie des chercheurs dont le nom n’est pas inconnu des amateurs de vampires. On doit en effet à cet universitaire deux ouvrages d’importance : Le vampire dans la littérature et au théâtre : du mythe oriental au motif romantique (1998) et Le vampire dans la littérature romantique française, 1820-1868 : textes et documents. Deux livres qui se focalisent sur les débuts fictionnels du monstre, et ses racines dans le folklore est-européen. Je retrouve ici certains éléments de la communication que l’auteur avait pu donner en 2014 à Lyon, dans le cadre du colloque Métamorphoses et cultures d’enfance et de jeunesse. De même, la matière de ce discours s’appuie aussi sur les recherches effectuées par l’universitaire et qui ont donné lieu aux deux ouvrages précités. Notamment pour ce qui concerne l’étude du basculement entre les anecdotes historiques (les affaires de vampire du XVIIIe) et les explications, analyses et recensions qui en ont été faites, par exemple chez Dom Augustin Calmet.
L’approche linguistique permet à Florent Montaclair de passer au crible l’élaboration du motif vampirique à partir de ces cas « historiques ». Il met de cette façon en exergue les verbes et les champs sémantiques. L’auteur confronte ainsi des textes comme celui de Boyer d’Argens dans l’optique d’en souligner l’intention, et l’influence que cette intention a sur la construction de la créature, et son statut « imaginaire ». À ce niveau, Montaclair montre que s’établit une première grammaire du vampire, à laquelle ceux qui vous suivre (Calmet, Voltaire…) vont se conformer.
Une des grandes forces de ce texte est de ne pas se limiter à des œuvres trop évidentes. Le chercheur s’appuie également sur la production de masse et d’autres formes narratives pour expliciter et étayer son propos. Ainsi, le jeu de rôle et ses excroissances littéraires (romans dérivés ou inspirés) sont intégrés au déroulé du discours. De même que des médiums tels que la série TV ou le manga, dont on sait la richesse concernant le vampire. À ce niveau, l’idée de l’auteur est de montrer l’influence du format sériel sur l’évolution du vampire.
Enfin, et il s’en ouvre dès l’introduction, l’une des grandes forces de ce discours est de souligner les difficultés de considérer dans son ensemble le corpus des textes qui exploitent la figure du vampire. Le souci se pose en effet de rassembler sous une même bannière des œuvres très diverses, car s’adressant à des publics différents. L’exemple de la jeunesse est également utilisé par Montaclair. Ce dernier s’intéresse ainsi aux titres qui ont fait des dents un motif récurrent dans la convocation de la créature.
Pour les amateurs de vampires qui aiment à comprendre l’évolution de cette figure d’imaginaire, et réfléchir aux pourquoi de ce succès qui ne semble vouloir s’éteindre, l’article de Florent Montaclair apportera sans nul doute du grain à moudre. J’apprécie beaucoup que l’auteur ait intégré à son analyse des médias comme le manga et le jeu de rôle, dont l’importance me paraît trop sous-évaluée.
Je propose en bonus l’enregistrement vidéo d’une conférence par le sujet donnée par l’auteur en 2022 :