En 1898, le monde s’apprête à subir des changements. L’Empire britannique ne souhaite pas rester spectateur des événements. Ainsi, Campion Bond agissant pour le compte de M. « M », recrute Wilhelmina Murray dans le but de créer une ligue dont les membres auront pour but de protéger le monde. Fraîchement divorcée, la jeune femme accepte cette mission. Elle commence par se rendre au Caire avec le Capitaine Nemo pour recruter l’ancien explorateur aventurier Allan Quattermain.
Puis à Paris, elle s’adjoint les services du docteur Jekyll et de son penchant meurtrier Edward Hyde. Elle y engage également Hawley Griffin, le mystérieux homme invisible. La ligue est enfin au complet et peut se lancer sur les traces du terrible Docteur, un bandit asiatique qui depuis son arrivée à Londres aurait mis la main sur la partie Est de la ville. Pire encore, il aurait en sa possession la « cavorite », un alliage anti-gravité révolutionnaire qui pourrait causer bien des dégâts entre de mauvaises mains…
Premier tome de l’intégrale de cette fabuleuse saga aux forts accents steam-punk, Moore et O’Neil nous narrent ici comment s’est constitué la ligue et les premières enquêtes menées par cette équipe de super-héros pas comme les autres. La virtuosité de Moore à s’approprier l’ambiance, les codes et les personnages phare de la littérature victorienne est vraiment impressionnante, à tel point que la mise en relation de ces héros qui n’ont à la base rien de commun nous semble presque naturelle. On retrouve donc ici Mina Harker, l’une des héroïnes du Dracula de Bram Stoker, Allan Quatermain (né sous la plume de H. Ridder Haggard), le capitaine Nemo (qui ne serait donc pas mort lors de l’explosion de l’Ile mystérieuse), le Dr Jekyll et son pendant maléfique Mr Hyde (la créature hybride du roman du même nom de Stevenson), et enfin l’homme invisible (d’après le roman de Wells).
On oscille donc ici entre SF désuète, polar apocalyptique et histoire de super-héros pour le moins réussie, où plane l’ombre de Sherlock Holmes (son frère Mycroft a une place assez importante pour la globalité du récit, et des allusions sont faites régulièrement au grand détective) comme celle du Dr Fu Manchu qui, s’il n’est jamais nommé ainsi, est un des premiers grands ennemis contre lequel va devoir lutter la ligue. Pour qui apprécie cette littérature, et les différents héros en présence, la Ligue des Gentlemen Extraordinaires est un passionnant exercice de style, même si quelques longueurs sont à noter au fil de la lecture (longueurs qui peuvent ceci dit être dues à l’aspect intégrale du volume).
Le dessin est certes un peu figé et daté mais remplit pleinement son office, car le dessinateur s’approprie avec une réussite certaines les différents personnages. Le côté steam-punk est lui aussi très bien rendu, notamment dans le côté SF désuète donc je parlais plus haut, Fu-Manchu étant un maître en réalisation d’armes et machines de guerre futuristes, alliant matériaux rares, électricité et vapeur. La couleur quand à elle est sobre mais joue aussi beaucoup dans la mise en place des ambiances. Le gros souci du dessin est ce côté étiré, qui est du à l’agrandissement des planches entre la version originale et cette version française.
Le personnage vampirique de cette histoire est bien sûr Mina Harker, ex-femme de Jonathan Harker qui se retrouve plus ou moins à la tête de cette ligue de justicier un peu particulière. On se demande très vite si elle possède également des pouvoirs particuliers, et la première rixe dans laquelle elle se retrouve tendrait à nous prouver le contraire. Mais certains éléments survenant au fur et à mesure de l’intrigue, ainsi que le mystérieux foulard qu’elle garde en permanence sur sa gorge, nous laisse fortement à penser qu’elle n’est peut-être plus tout à fait humaine, et que cet état de fait pourrait bien être l’œuvre d’un vampire.
Un premier volume pour le moins captivant, qui rend hommage aux grands personnages de la littérature de la fin du XIXe. Emmené par Mina Harker, le personnage féminin clé du Dracula de Bram Stoker, la ligue est à la fois une appropriation excellente et originale de cette littérature victorienne, en même temps qu’une vision très personnelle des histoires de super-héros. Le tout sous la plume d’Alan Moore, un auteur de comics qu’on ne présente plus.
J’ai eu beaucoup d’échos mitigés à l’égard de ce comic, alors j’avoue être un peu paumé car je voulais l’acheter. Je ne sais vraiment pas quoi faire!!