Veillée funèbre est l’adaptation BD de Vij, la nouvelle de Nicolas Gogol que nous a présenté Senhal ici-même lors d’une chronique. Si l’album qui nous intéresse aujourd’hui ne parvient pas à retranscrire l’entière force du récit originel, tout du moins en conserve-t-il la saveur essentielle.
On découvre ainsi Thomas Brutus, jeune séminariste philosophe de Kiev. Ce dernier se retrouve par un mauvais tour du destin obligé de veiller la dépouille de la fille d’un riche seigneur l’ayant fait mander de la façon la plus pressante qui soit. Arrivé sur place, le malheureux jeune homme s’aperçoit horrifié que la morte n’est autre qu’une sorcière dont il était parvenu quelques jours auparavant à déjouer les maléfices à force de prières. Malgré toute la peur que lui inspire la défunte, Thomas va être contraint de passer trois nuits dans une église de campagne en compagnie de la plus terrifiante des créatures et de ses invocations impies.
Vij étant à la base un modèle du genre en matière de conte populaire, l’adapter en bande dessinée tout en saisissant la quintessence littéraire dont était pourvu la nouvelle de Gogol se trouve loin d’être un projet aisé. Les auteurs de Veillée funèbre s’acquittent pourtant avec un talent certain de la tâche qui est leur. Au niveau de l’histoire tout d’abord, car si le récit se trouve inévitablement amputé de quelques passages et réflexions que l’on pouvait trouver dans la version écrite, son scénario ainsi que ses dialogues n’en demeurent pas moins efficaces et dépaysant dans la restructuration dont ils ont fait l’objet, se référant respectueusement à l’esprit de l’œuvre initial. Les dessins et la mise en couleur ne sont pas en reste non plus, mettant en image de fort belle manière les sinistres déboires du jeune Thomas ainsi que l’univers folklorique dans laquelle baigne l’histoire. Graphiquement, l’aspect vampirique de la fille du seigneur est représenté de façon plus explicite que dans la nouvelle d’origine, ne laissant ainsi planer nulle doute quand à sa nature damnée.
L’album se termine par quelques pages de croquis dans lesquels les auteurs eux-mêmes avouent leur désire de rester fidèle à l’œuvre dont ils s’inspiraient. Quand on voit un aperçu de leur travail de recherche, on ne doute d’ailleurs pas un instant de leurs bonnes intentions. Le seul défaut majeur que l’on pourrait à la rigueur imputer à cette bande dessinée est peut-être la relative brièveté des nuits se déroulant dans l’église mais rien de bien méchant. Car il est incontestable que cette adaptation d’excellente facture mérite de figurer sans rougir dans toute bédéthèque vampirique se voulant complète.
Lereculey nous propose ici une relecture de bonne facture de la nouvelle de Gogol, un des grands classiques de la littérature vampirique.
Pour peux qu’on apprécie le trait particulier (certains diraient figé) du dessinateur de Arthur (chez Delcourt), on prends plaisir à découvrir cette histoire intrigante, qui fleure bon les légendes russes. L’auteur a ainsi ressuscité la Russie du XIXe, et les effluves de sorcellerie et d’histoires qui gravitent autour. Lereculey a pour le moins bien mis en scène les personnages, le cliché du vigoureux cosaque aux longues moustaches qui aime à taquiner la ribaude étant pour le moins représenté au fil des pages.
Une lecture agréable donc, qui dépoussière de manière agréable ce classique trop sous-estimé.