Médecin-psychiatre né à Prague en 1926, Josef Nesvadba s’est aussi fait connaître par ses nombreuses nouvelles de SF, ses thématiques flirtant avec l’anticipation scientifique de certain de ses prédécesseurs tchèques, tels que Karel Capek. Mais Nesvadba se démarque par son communisme marqué, n’hésitant pas à faire s’affronter les travers capitalistes avec la pensée communiste. Le présent recueil est le seul existant en langue française, et regroupe des textes tirés de deux recueils de l’auteur : Le cerveau d’Einstein et Expédition en sens inverse.
Les hasards d’un chinage en brocante m’ont mis entre les mains ce curieux recueil, présenté comme une sélection de nouvelles insolites traduites du tchèque. N’ayant jamais entendu parler de l’auteur, ni de la maison d’édition Editeurs Français Réunis (connue pour ses choix pro-communistes, puisant notamment dans les publication des lauréats du prix Staline), c’est davantage le prix du lot auquel appartenait le livre qui m’a fait craquer. Quel ne fut donc pas ma surprise, me renseignant sur ma découverte, de l’existence d’une nouvelle flirtant avec le thème du vampire dans la bibliographie de l’auteur. Nouvelle qui a été adaptée au cinéma (sous le titre Upír z Feratu, Le vampire de Ferat), et qui se trouve justement conclure le présent recueil.
Si le communisme de l’auteur transparaît allègrement dans les textes (qu’il s’agisse de son point de vue sur l’argent, le travail, le progrès, et ses attaques anti-capitalistes), force est d’avouer que les textes ne manquant pas d’intérêt par leur diversité (tous ne sont pas à rattacher à la SF), leur inventivité (le changement de visage dans Le visage perdu), et les références convoquées (de Nemo à Moreau en passant par l’Odyssée d’Homère).
C’est surtout le texte Vampire Ltd (Upír ltd.) que j’attendais avec impatience, même si l’ensemble du recueil a su ame coinvaincre. A noter que l’auteur lui-même a scénarisé le film Upír z Feratu, en s’appuyant sur les idées abordées dans la dite nouvelle. Laquelle imagine une voiture-vampire, dont le carburant puise dans le sang de son conducteur. L’auteur pointe très vite les dessous de cette idée, en faisant dire à son personnage principal : « Le culte de l’automobile qui sévit en occident est le symptôme d’une crise de l’individualisme ». Dès lors, on comprend rapidement que la voiture personnifie à elle seule les travers du capitalisme, et le besoin effrénée de posséder pour soi, au détriment de la collectivité. A noter également que la voiture, si elle reste de métal, a quelque chose de très biomécanique lorsque son conducteur de circonstance décide d’en soulever le capot.
Un recueil intéressant pour l’ouverture qu’il permet au néophyte sur tout un pan politisé de la littérature tchèque. A prendre certes avec un peu de distance, mais le détournement ou l’utilisation de certaines idées (dont le vampire) pour mettre en scène les déviances du capitalisme face au communisme ne manque pas de mordant.