On trouvera ici le roman Les démons d’Abidjan, le tout dernier à avoir été édité dans la collection Gore en 1990, suivi de 14 nouvelles publiées entre 1976 et 2010 dans des revues fameuses comme Fiction, Ténèbres ou Solaris, mais aussi dans des anthologies et des magazines moins connus. Certaines de ces nouvelles ont été traduites dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis, et l’une d’elle paraît ici pour la première fois en France. Jack l’Éventreur, vampires africains, zombies des banlieues, démons lovecraftiens, loups-garous perturbés, reliques sournoises, psychoses dévastatrices, horreurs d’Halloween ou pièges d’Internet sont parmi les invités de ce Bal des Épouvantes pour lequel il est maintenant temps, Mesdames et Messieurs, de sortir vos cartons d’invitation…
Je connaissais jusque-là le travail de Richard D. Nolane par l’intermédiaire de certaines BD qu’il a pu scénariser (le prometteur Siècle de Sang, chez Soleil, malheureusement sans suite), puis plus récemment via la réédition de l’essai Vampires! chez les Moutons Electriques, réalisé en duo avec Elisabeth Campos. Ce recueil est donc pour moi l’occasion de découvrir une autre facette de l’auteur, celle d’un novelliste qui a eu l’occasion de se frotter à pléthore de créatures et mythes, publiées dans un grand nombre de revues, pour certaines prestigieuses. Le constat s’impose au bout de quelques textes : Richard D. Nolane a un don de la mise en scène très efficace, doublé d’une imagination débridée.
Quand il décide de s’attaquer au mythe de Cthulhu, c’est autant avec respect pour l’univers de l’écrivain de Providence qu’en y injectant sa propre originalité. Et cette impression perdure d’une nouvelle à une autre, d’un thème à un autre, d’un genre à un autre. Le premier texte, Les démons d’Abidjan est ainsi un témoignage redoutable de tout un pan de la littérature des années 80, et de la défunte collection Gore. Une collection à laquelle se texte colle par le mélange de violence physique et de sexe qui y sont mis en scène, mais avec une ambiance et des idées qui font tout sauf tomber à plat.
Malgré la pluralité des thèmes, malgré les différences de tons et d’époque, on sent rapidement pointer au fil des textes un fil conducteur, fil qui est appuyé par le titre. Ce qui semble intéresser Richard D. Nolane, à travers ses multiples textes, c’est la désacralisation du corps, sa destruction et sa monstruosité latente qui n’attend finalement pas grand chose pour devenir tangible. Une vision noire et crue de la physiologie humain qu’on sent pointer dans chacun des textes, qu’il s’agisse de mettre en scène des créatures antédiluvienne, des esprits désincarnés ou des démons africains avides de chair humaine.
C’est donc à travers le court roman Les démons d’Abidjan que l’auteur aborde le mythe du vampire sous une forme pour le moins originale. Délaissant les avatars est-européen, Richard D. Nolane choisit de donner vie à une créature issue de la magie africaine, une entité magique avide de sang qui peut être invoqué à travers des masques. On ne peut cependant la voir évoluer que la nuit venue, la créature y assassinant des victimes qui lui seront désignés par les noms inscrits dans des masques. Avide de sang, le Djedi Tié ne semble à même de disparaître qu’une fois que les 6 masques qui lui sont liés ont été utilisé, jusqu’à une prochaine invocation. Il semble ne craindre que certains objets magiques rares que plus personne ne semble savoir récréer.
Un recueil aux multiples facettes, qui fait voyager le lecteur aux confins de l’horreur et de la noirceur humaine, jouant avec les mythes et légendes, qu’ils soient issus de la littérature ou du folklore mondial. Un beau corpus de littérature populaire dans ce qu’elle a de plus efficace.