Au fil des 17 nouvelles qui composent ce recueil, Thomas Owen invite le lecteur à le suivre au cœur de la nuit, à l’heure ou l’étrange règne en maître et où esprits et autres entités se jouent des êtres humains. Une période de la journée où la mémoire du passé se fait plus forte, et étend son influence sur le devenir de ceux qui vivent dans le présent. Ombre du passé, fantôme d’une autre époque, entité désincarnée et autres monstruosités issues des ténèbres, le frisson est le maître mot des textes rassemblés ici. Comme le résume si bien Jean Ray sur la quatrième de couverture : « Owen, arrive en pente douce à la Peur, il prend le lecteur par le bras pour une promenade innocente, dans l’intention perverse de lui fausser compagnie une fois face à l’épouvante ».
Aux côtés de Jean Ray et Georges Simenon, Thomas Owen est un des noms incontournables des littérature de genre du plat pays. Pour autant, si le premier garde une certaine exposition via son personnage d’Harry Dickson, et le second grâce à Maigret, Thomas Owen a été un peu oublié de nos jours. On note bien quelques adaptations de certaines de ses œuvres, en BD ou au cinéma, et Owen écrivait encore dans les années 90 (il est mort en 2002), ses personnages ne semblent pas avoir autant frappé l’imaginaire collectif que ceux de ses compatriotes précités.
Comme le laisse à penser le titre, toutes les nouvelles qui figurent dans le recueil ont en commun la nuit et l’onirisme. L’ensemble des textes baignent d’emblée, via cet ancrage, dans une obscurité pesante, que les récits ne viennent aucunement éclaircir. D’autant que Owen n’a pas son pareil pour arrêter sa plume au moment (ou non) de la révélation, ne distillant qu’un minimum d’élément, laissant le lecteur se faire sa propre idée. A noter également la thématique récurrente du passé qui revient hanter le présent. Nombreuses sont ici les nouvelles qui voient des morts hanter les vivants (sans que ceux-ci n’en ait conscience), voire se venger par-delà la tombe. Owen maîtrise à la perfection le format court : les récits sont variés et inventifs, le suspense s’installe en quelques lignes, et les ambiances pesantes de l’auteur font mouches à chaque fois.
Dans ce recueil paru initialement aux éditions Marabout Fantastique (ce qui au passage lui vaut une superbe couverture typique de la collection), plusieurs textes voient le thème du vampire pointer le bout de ses dents. A commencer par «Le chasseur», où une non-morte est prise de remords à l’idée de s’attaquer à un chasseur revenu depuis quelques années d’Afrique. Ou encore «Les lectures dangereuses», où le narrateur se trouve peu à peu pris au piège d’un livre changeant qui vampirise son lecteur. Sans parler de «Au cimetière de Bernkastel», nouvelle au cœur de laquelle Jean Ray et Thomas Owen enquêtent sur une légende vampirique, à l’occasion du déplacement d’un cimetière.
Un recueil particulièrement réussi de l’auteur belge, qui démontre la maîtrise de sa plume, des ambiances et un sens de la mise en scène qui allient macabre et sens de la chute d’une efficacité indéniable.