Pourquoi ma vie est un drame:
1 – Mes parents sont des monstres. Je sais, on dit tous ça, au lycée. Mais les miens sont de vraies monstres buveurs de sang: ce sont des vampires.
2 – Comme si les cours ne suffisaient pas à mon malheur, il faut en plus que je me tape une série de conférences sur la culture vampirique avec une bande de cinglés qui rêvent de boire du sang.
3 – Le comble, c’est que je suis parfaitement incapable d’aligner deux phrases cohérentes devant des garçons sexy. (Surtout Nathan. Il doit penser que j’ai un trouble du langage ou un truc comme ça.)
4 – Et je n’ai pas le droit de parler de tout ça à Serena, ma meilleure amie.
5 – Mais le pire du pire dans mon drame, c’est que le monde entier va savoir ce qui est arrivé quand mes parents m’ont obligée à décider si je voulais ou non devenir moi aussi un vampire! Je vous en prie, ne lisez pas ce livre. C’est juste trop gênant.
Inutile de se le cacher, Pourquoi moi ? c’est une ambiance teenage assumée. Ça va parler de garçons, de look, de popularité, de bal de promotion et de relations entre adolescents. Et de vampires. Ça vous évoque un autre livre ? Pas si vite.
Mina en sait assez sur les vampires pour ne pas avoir envie de tenter l’aventure. Ses parents sont devenus des créatures de la nuit à cause de son oncle Mortimer. Il a mordu le père de Mina par accident, et sa mère a voulu être transformée pour ne pas être séparée de lui. Ceci dit, ce que l’adolescente reproche le plus à ses parents dans cette histoire, c’est de lui avoir donner le nom de l’héroïne de Dracula.
Elle doit donc gérer deux pans de sa vie : celle qu’elle mène au lycée entre son envie de sortir avec Nathan, sa meilleure amie Serena qu’elle tente de sortir de sa phase gothique et l’étude de… Dracula, en cours de littérature. A cela s’ajoute les conférences sur le vampirisme qu’elle doit obligatoirement suivre pour rattraper les autres postulants à la transformation, et qui comportent également son lot de garçons mignons, comme Georgesn qui fréquente l’école de Mina, ou Aubrey, clone adolescent du Louis d’Entretien avec un vampire. Ces cours sont dispensés par Mme Riley, une vampire aux allures de mamie gâteau dont on perçoit assez rapidement l’expérience et le danger à la contrarier. On y aborde tout ou presque, de la façon de se procurer du sang discrètement aux légendes et histoires vampiriques, en passant par les métiers qu’un vampire peut exercer sans se faire remarquer. Les postulants ont également un parrain, qui leur fournira des détails plus concrets sur la vie des vampires. Mortimer tient ce rôle pour Mina, à son grand mécontentement car elle ne lui fait pas confiance, pourtant, il s’avère être un professeur très capable.
De fait, le livre n’est pas vraiment un journal. Il est rédigé à la première personne, en chapitres assez courts qui vont confirmer ou infirmer une légende sur les suceurs de sang. Surtout, chaque fin de chapitre sera l’occasion pour Mina – dans un vrai journal cette fois – de peser le pour et le contre d’une vie en mode vampire. Bien qu’elle ait l’air un peu perdu au milieu de tout ce tumulte, elle est pragmatique, intelligente et bagarreuse, et surtout, elle n’a pas l’intention de se laisser influencer pour décider.
Dans le livre, Kimberly Pauley se permet de tacler joyeusement celles et ceux qui écrivent de la littérature pleine de crocs, mais surtout, elle s’en prend à Bran Stoker. Puisque Mina doit l’étudier en cours, c’est l’occasion de démonter quelques clichés et surtout d’analyser sa vision des femmes et du désir féminin. Un aspect que j’ai trouvé intéressant et qui mérite réflexion.
Au delà des considérations purement adolescentes de Mina, le livre aborde point par point toutes les conséquences d’une transformation : ne plus revoir parents et amis, déménager sans cesse, mentir, ne sont que quelques uns des bouleversements qui attendent la jeune fille qui mène sa réflexion de façon lucide. Tout le contraire de pas mal d’héroïnes de romans en mal de sensations fortes… Je vise quelqu’un ? Vous vous faites des idées…
J’ai quand même tiqué sur la traduction, un peu étrange parfois. Certes, elle rend cette ambiance jeune, et un rien insouciante mais l’abus de « meuf », « kiffer » et autre « truc de ouf » est dangereux pour la cohérence du texte surtout quand on sent que l’auteur ne place pas son action dans un milieu populaire.
Sans en avoir l’air, la mythologie vampirique du livre est très riche, on y démonte du cliché à la pelle, on en confirme quelques autres. Le plus important à savoir est qu’il existe un conseil régional vampirique garant du bon ordre là où vit Mina et qu’ils ont les moyens d’assurer la survie de la race. Effacer la mémoire et intimider est le sport favori du Conseil. Il existe plusieurs Conseils aux Etats-Unis et dans le monde, ainsi qu’un Conseil Mondial. On y apprend également l’existence d’un groupe dissident, les Serres Noires, désireux de rétablir une domination sans partage des vampires sur les humains.
La transformation se fait en buvant le sang d’un vampire, le faire par morsure réussit rarement. Les transformations physiques sont quasi immédiates et sans douleur (changement de couleur des yeux, vue et ouïe plus développée, modification de la musculature, incapacité à dormir). Plus tard, il se peut que le vampire développe de nouvelles capacités comme une grande force ou des pouvoirs mentaux (lire et manipuler des esprits). Mais les maladies comme le SIDA qui peuvent affecter un vampire sont susceptibles de le rendre aussi faible que l’humain qu’il était avant.
Frais, plaisant et franchement drôle avec ses petits dessins qui agrémentent le texte, Pourquoi moi ? est une jolie histoire. On se laisse porter par l’humour et la légèreté. En soit, il n’arrive rien de « grave » à Mina (même si les menaces sont présentes) et j’ai apprécié toute la réflexion autour du fait de devenir vampire. J’espère juste qu’il y aura un peu plus d’action dans les tomes suivants. Il y a encore de quoi faire.