Après l’évocation du personnage historique avec l’archiviste du British Museum, l’écrivain Bram Stoker écrit son récit : « Invité par le comte Dracula, un jeune anglais, Johnathan Harker, va devenir la victime du Prince des Carpathes… ».
Dans une atmosphère terrifiante, « la figure du vampire » n’est jamais montrée, car celle-ci est omniprésente sous la forme d’une ombre menaçante, d’une voix ou d’une tentation morbide…
Faisant suite à son premier album dédié au personnage de Vlad Tepes, Pascal Croci et Francoise-Sylvie Pauly nous proposent ici une adaptation très personnelle du roman de Bram Stoker. Non seulement les auteurs choisissent de réintégrer au récit la nouvelle l’invité de Dracula, mais en plus ils prennent le parti de focaliser leur attention sur les scènes qui les ont le plus marqué, laissant complètement de côté certains personnages et ressorts scénaristiques du roman original. Ainsi disparaissent certains personnages, tandis que les liens entre les personnages principaux se retrouvent bouleversés.
Les puristes risque de crier au scandale, mais force est d’avouer que Croci parvient à recréer l’ambiance gothique du livre original, en choisissant de ne pas représenter le personnage de Dracula, à l’instar du roman où le comte est le seul personnage à ne pas intervenir directement. Dracula devient donc ici une ombre qui survole de sa sombre silhouette le récit.
Les vampires ici mis en scène sont bien entendu fidèle à l’imagerie fixée par Stoker. Néanmoins, tout comme dans le roman, c’est donc à travers le regard des autres protagonistes qu’on fait connaissance avec le comte vampire. Crucifix, pieux et lumière du soleil sont les armes anti-vampires qu’ont choisi de mettre en image le dessinateur et la scénariste, de même que l’incontournable soif de sang qui est le coeur même du vampirisme.
Le dessin de Croci est toujours aussi torturé. Son trait fin et acéré peut parfois rappelle Sorel, mais force est d’avouer que cette influence semble s’amenuiser d’albums en albums, le dessinateur optant pour une représentation plus réaliste des corps. La mise en page se fait plus osée que pour les précédents albums, Croci n’hésitant pas à étaler ses cases sur une double page, voire à briser le schéma standard de succession de cases pour donner une dynamique à son récit. Les couleurs sont réellement superbes, Croci alternant avec brio entre les paysages de Transylvanie à la blancheur immaculée et les décors brumeux et sombre de l’Angleterre vicorienne.
Après un premier opus plus historique, même s’il était déjà profondément ancré dans le genre fantastique, en reliant le personnage de Vlad Tepes au vampirisme, ce second opus dédié par Croci et Francoise-Sylvie Pauly au comte roumain est une adaptation originale et osée du roman de Bram Stoker, qui s’affranchit de nombreux éléments de l’œuvre originale pour en faire ressortir la noirceur et l’atmosphère fantastique. Une plongée visuelle des plus savoureuse.