Pécau, Jean-Pierre, Pilipovic, Léo. Elisabeth Bathory, La comtesse sanglante

Dernière née de la lignée des Bathory, Ersébeth Bathory est un digne maillon d’une famille célèbre aussi bien pour le pouvoir dont elle dispose que pour les déviances de ses membres. Ersébeth épouse Ferenc Nádasdy alors qu’elle a à peine seize ans, lui ayant été fiancée dès son onzième anniversaire. Leur mariage doit sceller la réunion entre les Bathory et les Nádasdy, dynastie moins ancienne, mais riche et puissante. Initiée par sa tante, la jeune femme refuse rapidement les attentions de son conjoint. Mais en demandant son aide à György Thurzó, palatin de Hongrie, ne met-elle pas le doigt dans un engrenage qui pourrait lui être fatal ?

La série des Reines de Sang est une collection débutée en 2012 aux Éditions Delcourt. Elle se focalise autour de personnages de reines et femmes aristocrates, parmi lesquelles on retrouve Aliénor d’Aquitaine, Cléopâtre, Catherine de Médicis ou encore Jeanne d’Arc. En règle générale, les histoires proposées sont racontées sur plusieurs volumes, Ersébeth Bathory fait ici figure d’exception : il s’agit d’un tome unique, consacré à la comtesse hongroise.

D’un point de vue scénaristique, aucune source n’est mentionnée par les auteurs, ce qui aurait pu permettre de comprendre les partis pris narratifs. Car force est de constater que le choix a été fait de rester proche des récits qui font d’Ersébeth Bathory une psychopathe, digne héritière de sa lignée. Il y a bien l’idée que les penchants du personnage arrangent le palatin Thurzó, mandaté pour enquêter. L’histoire a beau nous dire que Thurzó ne trouve pas de preuve, l’attirance de la comtesse pour le sang et son intérêt pour le mal sont omniprésents dans l’album. On revient donc à un angle proche de La comtesse sanglante de Maurice Périsset. Les auteurs ont d’ailleurs opté pour l’absence d’imagination pour leur titre, en reprenant le « comtesse sanglante » (un lieu commun des publications autour d’Ersébeth). Le récit fourmille de choix qui ne sont pas confirmés par les études sur Ersébeth, que ce soit la mort de son mari (qui a historiquement lieu sur le champ de bataille), sa rencontre avec le mage John Dee, etc.

Après avoir lu l’album d’Anne-Perrine Couët La comtesse maudite, et le remarquable travail de recherche effectuée par la scénariste et dessinatrice pour sortir des poncifs racoleurs, j’avoue être un peu déçu de retrouver ces derniers dans cet album. D’un point de vue de la construction de la narration, c’est propre et cohérent, mais c’est au niveau du sens que je trouve que le livre pêche. Pour une série qui se vaut historique, c’est dommage de rabâcher des obsessions datées. Pascal Croci était lui aussi parti dans cette direction pour son opys sur le même personnage, mais il n’a jamais eu d’ambition historique. Un peu comme son Dracula, qui racontait sa vision du roman de Stoker.

L’une des faiblesses de cet album tient aussi pour moi à son dessin. Je ne suis pas du tout convaincu par le style de Pilipovic, que je trouve trop figé. Cette optique — et la mise en couleur — renverrait presque à la collection Vécu de Glénat, et aux années 1980-1990. Dans la lignée du scénario, l’illustrateur ne cesse de présenter la poitrine opulente de la comtesse et des autres protagonistes féminins. C’est d’ailleurs sur une scène de ce type que s’ouvre l’album. Plutôt que de contextualiser, on est d’emblée face aux clichés sur le personnage.

On est face à une approche essentiellement réaliste, il n’y a donc pas de vampire présent dans l’histoire. En revanche, il y a bien l’idée du goût du sang, qui paraît se manifester dans la lignée de Bathory, à commencer par son oncle Istvan. Que ce soit ce dernier, la tante d’Ersébeth et celle-ci, boire du sang est présenté comme un extrême rendu possible par le pouvoir de la lignée. Le recours à l’empalement, notamment par les troupes de Ferenc face aux Turcs, rappelle enfin les pratiques de Vlad III.

Un album qui retourne à des idées rabattues sur la comtesse, et n’offre pas grand-chose de nouveau à son sujet. Il y a bien quelques remises en question timides, mais elles sont finalement écrasées par un scénario aux choix racoleurs qui paraît vouloir avant tout mettre en avant les obsessions du personnage.

Pécau, Jean-Pierre, Pilipovic, Léo. Elisabeth Bathory, La comtesse sanglante

 

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