Caroline, son mari Joshua Fielding, acteur à la notoriété grimpante et sa troupe, débarquent dans un manoir de la petite ville côtière de Whitby, précédant de peu une tempête de neige qui les isolera du reste de la communauté humaine durant plusieurs jours. Les lecteurs de Dracula savent bien qu’il s’agit là de l’endroit où s’échoue le Demeter, laissant déferler sur le Royaume-Uni la soif du vampire de Bram Stoker, mythe littéraire qui, à l’époque où Anne Perry place son récit, connaît une grande fortune sur les planches, au point que rares sont les entrepreneurs de théâtre qui ne donnent pas à jouer l’une des nombreuses pièces adaptées du roman. C’est d’ailleurs sur une commande du même ordre que la troupe se rend au manoir des Netheridge, puisqu’il s’agit de donner en spectacle de Noël, pour la famille et les invités, l’adaptation que la fille Netheridge, Alice, a elle-même écrite. Malgré son enthousiasme pour la chose théatrâle, l’inexpérience d’Alice fait que son texte fourmille de maladresses que Joshua aurait eu le plus grand mal à corriger à temps, sans l’arrivée impromptue, au beau milieu de la tempête de neige, du mystérieux Mr Balin.
Le premier point que j’aimerais évacuer, c’est le style. Anne Perry a une écriture d’une facture très simple, ce qui n’est pas, c’est le cas de le dire, ma tasse de thé. Cependant, ce n’est pas un reproche à faire en soi puisque si la plume est simple, elle est aussi sans faiblesse vraiment notable. Je relève tout de même deux problèmes à ce propos : est-il bien cohérent pour ses personnages instruits des années 1920 (théoriquement, les adaptations de Dracula, c’est cette période, cependant je ne sais pas très bien où décide de se placer l’auteur) de s’exprimer avec un tel dénuement ? D’autre part, les personnages étant relativement nombreux, il est bien difficile de les distinguer les uns des autres pendant une bonne partie de la lecture, l’auteur se contentant de répéter ad nauseam les prénoms. On peut voir là une sorte de mise en abîme : il est parfois difficile de distinguer les personnages les uns des autres quand on lit une pièce de théâtre, du moins a-t-on alors comme point de référence la didascalie initiale comportant la liste des personnages. Il s’agit bien là d’un écueil, personnellement cela m’a agacée.
Le texte est principalement composé de trois intrigues : l’intrigue policière, qui est très longue à se mettre en place, mais qui est finalement très attendue dans sa forme ; l’intrigue amoureuse (Alice va-t-elle se marier ou non ?) ; l’adaptation du roman, qui réunit tout l’intérêt du livre.
On peut trouver agréable le dénouement de l’intrigue policière, personnellement il m’a d’autant moins intéressée que la clé de l’énigme est située hors le récit et il est bien difficile de trouver une véritable pertinence à la partie amoureuse. Toutefois, j’ai été très agréablement surprise par la place que prend le problème de l’adaptation de Dracula en pièce. Anne Perry soulève des questions pertinentes et y apporte des solutions astucieuses ; c’est ainsi que l’interprète de Van Helsing finira par incarner également Renfield. On y réfléchit également à la mise en scène, au caché et au montré, etc. Je trouve que c’est un bon travail et un thème tout à fait original à ma connaissance.
Ainsi que l’on peut s’en douter, le vampire est parfaitement classique puisqu’il a tous les attributs de Dracula. Il n’y a en conséquence rien à relever de particulier à ce sujet.
Au final, c’est une lecture courte et agréable qui, malgré quelques facilités qui enfoncent un peu le texte, vaut la peine d’être faite tant l’idée de faire le récit d’une adaptation est intéressante.