Alors qu’il coule des jours tranquilles dans un cirque dont il est l’homme à tout faire, un mystérieux personnage fait chanter le Goon afin que celui-ci accepte de rencontrer son patron. Sur place, il découvre qu’il n’est pas le seul à avoir fait le chemin, bon gré mal gré. Il a là La Diabla, une justicière masquée et Atomic Rage, qui a le pouvoir d’émettre des rafales radioactives. Avec Frankie, qui n’a jamais quitté Goon, et de Roscoe, un enfant loup-garou, ils seront donc cinq à constituer le groupe des Seigneurs de la Misère. L’homme derrière leur rencontre, Monsieur Queensberry, leur explique qu’ils sont les héritiers d’une longue lignée de malfrats et durs à cuire qui luttent depuis des temps immémoriaux contre le prince Grigore, un immortel avide de sang.
Les Seigneurs de la Misère est présenté comme une histoire intermédiaire entre la série The Goon et un reboot annoncé de cette dernière. On y retrouve le duo Goon/Frankie qui va devoir reprendre du service, après avoir lâché les rênes de la Ville Sans Nom. Ce n’est certes pas la première fois qu’Eric Powell convoque la figure du vampire – ou quelque chose d’approchant – dans son univers à mi-chemin entre horreur et comédie. L’arc « Tas de Ruine » mettait en effet les héros avec une femme vampire. Pour autant, leur ennemi est ici d’une tout autre teneur, comme leur expliquera leur commanditaire.
Si trois des personnages principaux sont des transfuges de la série originale, Eric Powell profite de l’occasion pour introduire deux nouveaux visages : La Diabala et Atomic Rage. Des protagonistes marqués par le destin, qui ne dépareillent pas dans l’univers de l’auteur. Dans le même temps, histoire de transition oblige, il y a la matière à faire sortir le Goon de sa retraite et le voir reprendre du service. Au grand bonheur de Frankie, sans doute celui qui regrette le plus leurs années passées en ville.
En ce qui concerne le dessin, ce nouvel arc est du Eric Powell pur jus. Quelque part entre Tank Girl et Hellboy, sapoudré d’une touche de EC Comics, le dessinateur-scénariste propose une trame visuellement dynamique (l’introduction autour de la Diabala en est un bon exemple), et des personnages aux traits marqués (par leurs pouvoirs comme par le destin). Powell ne s’occupe pas seul de la colorisation, mais il a participé à celle-ci. Manière d’assurer la continuité avec les histoires du Goon. L’ensemble alterne enfin moments sombres et lumineux. À noter que les flashback qui concernent la genèse de la Diabala sont réalisés aux crayonnés, pour un résultat remarquable.
La part vampirique de cet opus tient au personnage du voïvode Grigori. Sa fonction établit un lien évident avec Vlad Tepes. Pour autant on n’est pas ici face à un vampire classique. La pierre dans laquelle celui-ci puise son immortalité lui a fait contracter une soif de sang puissante, pourtant à aucun moment on ne le verra boire le sang de ses victimes. Reste que sa représentation graphique lorgne lourdement vers le vampire gothique. Sans même parler de l’endroit où il effectue ses recherches : Les Carpates.
Un retour aux affaires pour le Goon, aux côtés de nouveaux personnages. L’histoire plonge le lecteur dans une ambiance digne des volets de la série classique, tout en prenant du recul sur l’univers où évolue le protagoniste. Sans être du niveau d’un Chinatown (à mes yeux, le meilleur opus de la série mère), ces Seigneurs de la Misère est un album transitoire réussi qui appelle maintenant (la fin semble aller dans ce sens) un retour en bonne et due forme.