Après sa première biographie de Bram Stoker parue il y a de nombreuses années chez Séguier, Alain Pozzuoli caressait le projet de ressortir une biographie complète et plus étoffée de l’auteur de Dracula, en corrigeant au passage les omissions et erreurs qui avaient pu se glisser dans cette première mouture.
C’est désormais chose faite avec les quelques 300 pages qui composent cet ouvrage (la partie purement biographie dépassant les 170 pages), et remontent donc le temps jusqu’à la naissance d’Abraham Stoker deuxième du nom, qui choisit de raccourcir son prénom en Bram au décès de son géniteur. Une existence qui commence sous le signe de la maladie, le futur romancier étant condamné à rester alité une bonne partie de son enfance. Un état de fait qui va contribuer à développer son imagination, sa mère l’abreuvant d’histoires à longueur de journée.
L’un des gros points positifs du livre est à mon sens de ne pas négliger un seul des différents axes de l’oeuvre du romancier-novelliste, même si c’est bien évidemment son Dracula qui est le plus en avant. De quoi donner pas mal d’idées de lecture aux néophytes, voire aux lecteurs qui ont déjà poussé au-delà du personnage du comte, et découvrir le reste d’une oeuvre foisonnante. Une oeuvre qui malheureusement n’est pas encore totalement traduite par chez nous, ou dont certaines traductions sont aujourd’hui introuvables.
Autre axe intéressant (qui prend la suite de l’ouvrage après la mort de Stoker) : la pérennité de son oeuvre. Et elle est loin d’être inexistante, même si c’est Dracula qui écrase l’ensemble des adaptations et pastiches des romans et nouvelles de Stoker. A nouveau, pas mal d’idées de lecture et de visionnage, même si toutes ne doivent pas être aisées à dénicher. Car si l’auteur abordent bien évidemment les incontournables Nosferatu, Dracula ou Horror of Dracula, il n’est pas en reste pour exhumer des oeuvres beaucoup plus discrètes, que ce soit des films allemands (Jonathan), français (Tendre Dracula) ou encore italiens. Il en va de même pour les romans et nouvelles, qu’il s’agisse de réécrire le texte d’origine ou de pasticher les personnages (voire l’auteur !).
Au final, cette nouvelle biographie est plutôt une réussite. Le style est sobre et aura permis de rendre digeste ce qui aurait pu n’être qu’une énumération de faits et de dates. Quelques définitions hasardeuses (je pense notamment à la Bit-lit, décrite comme de la littérature jeunesse) pourront faire grogner les puristes, mais la place de Dracula dans ce qu’on pourrait appeler la nouvelle vague vampirique étant plutôt réduite, l’impact n’est pas des plus marquant à la lecture. L’auteur profite également de sa biographie pour avancer l’hypothèse d’une sensibilité homosexuelle chez Bram Stoker, à travers des exemples révélateurs dans son oeuvre et dans sa vie. Reste que si l’idée n’est pas inintéressante, je n’ai pas forcément été convaincu par la démonstration.
Comme Alain Pozzuoli aime à le rappeler, Stoker a vécu dans l’ombre tout sa vie. Depuis ses années de jeunesses cloitré pour cause de maladie jusqu’à son décès occulté par le Titanic, et sa vie placée dans l’ombre d’Henry Irving. Sans oublier l’image d’un homme dont l’oeuvre la plus emblématique (Dracula) aura gommé l’existence pendant de nombreuses années. Cet ouvrage pour le moins complet permettra sans nul doute aux amateurs et curieux de découvrir l’homme derrière l’oeuvre, et la continuité de cette dernière.