Hongrie, XVIIe siècle. La Comtesse Erzsebet Bathory vit dans son château isolé des Carpates. Elle est jeune, elle est belle. Son mari est parti à la guerre. Elle est encline aux passions tourmentées, mais surtout, elle réalise que le Temps, ce voleur implacable, va lui ravir sa beauté. Alors elle sombre dans une folie meurtrière : elle fait assassiner des dizaines de jeunes vierges pour se baigner dans leur sang, persuadée que lui seul peut la préserver du vieillissement. La comtesse va peu à peu sombrer des des abîmes de perversité, infligeant la douleur à ses captives, mettant en place des moyens toujours plus sadiques pour recueillir leur sang et ainsi tenter de garder sa beauté et sa jeunesse le plus longtemps possible.
Adapter l’histoire de la comtesse Bathory en bande dessinée, voilà quelque chose qui a ma connaissance n’avait pas encore été fait. Le retrouve se retrouve donc propulsé dans un huit-clos étouffant, en plein 17e siècle, dans le château isolé de Csejthe. La comtesse Bathory s’ennuie depuis que son mari est parti à la guerre. Elle se complait rapidement dans une surenchère de sadisme et de perversion, jalouse de toute forme de beauté. Le sang lui apparaît rapidement comme le seul remède à la dégénérescence due à la vieillesse, et elle charge rapidement ceux qui l’entourent de lui procurer ce sang qui lui est devenu indispensable.
A l’image de ce que la comtesse représente aujourd’hui dans l’imaginaire populaire, l’album de Cédric Rassat et Emre Ohrun baigne dans une ambiance noire et malsaine à souhait. Les auteurs ont choisi de traiter l’histoire d’Elisabeth Bathory sans concession, mettant en scène les tortures que la comtesse prend rapidement plaisir à pratiquer sur ses servantes, narrant sa rencontre avec un vampire, attiré par les dépravations et l’amour que porte la comtesse au sang. Le scénario flirte donc avec le fantastique (ou avec la folie, qui sait), et va crescendo jusqu’à ce que les exactions de la comtesse soient stoppées par le roi.
A l’image du Dracula de Hyppolite, l’album est entièrement réalisé à la carte à gratte par Emre Ohrun, que je connaissais déjà via la très belle affiche de Planet of the Vampires qui orne l’un des murs de ma chambre (affiche également réalisée avec la même technique). Très différent pourtant du style d’Hyppolite, Emre Ohrun a un univers graphique que je rapprocherais de celui de Ludovic Debeurme. Les personnages ont un physique volontairement torturé, certaines parties du corps sont grossies, d’autres réduites, ce qui amplifie l’ambiance à la limite de la folie qui exhale de l’album. Un style au final assez unique, qui colle graphiquement bien à l’histoire.
Au final les auteurs proposent une vision résolument malsaine de l’histoire de la comtesse sanglante (on saluera d’ailleurs le fait de ne pas avoir nommé ainsi l’album, les livres sur Bathory ayant une fâcheuse tendance à être affublé de ce titre), mise en valeur par un graphisme à la carte à gratter pour le moins torturé. Une œuvre sombre et vénéneuse à ne pas mettre entre toutes les mains mais non moins intéressante.
Il y a une très jolie bande dessinée de Croci, également. Pas à mettre non plus dans toutes les mains mais une évocation très artistique.
Tu parles de celui-ci j’imagine : blog.vampirisme.com/vampi… ?