Peu après la mort de leur père, Jacques, sa sœur Annette et leur mère trouvent refuge aux Eyquerres, un domaine près de Clermont-Ferrand. Leur mère, incapable de subvenir seule à leurs besoins, semble avoir trouvé un arrangement avec une vieille dame riche, Madame Somogyi. Celle-ci confie à leurs bons soins sa petite-fille, Elisabeth. Rapidement, celle-ci et Annette deviennent inséparable, alors que leur mère enchaîne les crises de fatigue. Jacques tombe sous le charme d’Elisabeth, et se convainc de travailler pour impressionner la jeune femme. Les années passent, jusqu’au vingt-et-unième anniversaire de Jacques, à l’occasion duquel il reçoit un courrier de son père le mettant en garde. Sa mort pourrait avoir eu une origine toute autre qu’accidentelle.
J’ai lu pour la première fois La Mante il y a des années de cela, mais le hasard d’un travail de commande m’a poussé à me replonger dans le roman de Christine Renard. D’emblée, je retrouve l’ambiance glaçante qui plante sur le domaine des Eyquerres, et sur ce récit qui se déroule principalement en huis clos. Peu de personnages, donc, mais une vraie maîtrise psychologique des interactions entre ceux-ci. Et au centre, le personnage d’Elisabeth, dont l’irruption dans la vie de Jacques va changer à jamais son quotidien. Le style de l’autrice pose d’emblée l’ambiance, et cette hésitation constante entre paranoïa et menace surnaturelle qui pèse sur l’histoire.
Elisabeth est donc l’entité vampirique de l’ouvrage. On comprend au fur et à mesure de l’histoire que ceux avec qui elle a des contacts rapprochés sont atteint d’une fatigue insurmontable. Car Elisabeth se nourrit de ceux qui l’environnent, particulièrement la mère de Jacques et sa soeur Annette. La prédation prend dans le même temps la forme d’une domination psychologique des victimes, ce qui explique le revirement d’Annette vis à vis de son frère. La dimension sexuelle du vampire n’est pas négligé, les attirances d’Elisabeth semblant être avant tout une question d’opportunité. Si la relation qu’elle entretien avec les femmes de la famille de Jacques penchent vers l’homosexualité féminine, elle n’en essaie pas moins de faire tomber le jeune homme dans ses rets. Reste que sa capacité à assimiler le sang – une question de groupe sanguin – peut lui faire préférer les uns ou les autres. Enfin, il y a ce double personnage représenté par le duo entre la vieille Somogyi et sa petite-fille Elisabeth. progressivement, notamment dans le témoignage d’Annette, c’est la recherche de la jeunesse éternelle qui s’impose dans le récit. Entre cette obsession et le nom d’Elisabeth, difficile de ne pas penser à la comtesse Bathory.
Au final un texte rare, aussi prenant que bien écrit, qui fait déplorer le décès survenu trop tôt de cette autrice considérée par beaucoup comme une plume majeure du fantastique français. Ce n’est en tout cas pas ce texte qui les fera mentir.