Basile le bossu est le serviteur du château de Dracula. Depuis des années, il s’occupe de l’entretien des lieux, et veille à contenter les différents habitants : Dracula, sa compagne — dites « La Marâtre » —, Frankenstein et La Créature (et sa fiancée). Quand L’Oncle Nosferatu revient après s’être exilé des années durant à la ville, c’en est trop pour Basile, qui décide de se réfugier chez Dracurella. Il s’avère alors émerveillé par la technologie moderne, et parvient à convaincre Dracula d’équiper le château. Mais il va falloir être discret, Nosferatu est un traditionaliste, et il risque de voir d’un mauvais œil que la demeure de ses ancêtres ne plonge dans le XXe siècle.
Dracurella est une série imaginée par le dessinateur et scénariste Julio Ribera, qui s’était déjà fait connaître à l’époque pour Le Vagabond des Limbes, série pour laquelle il est aux crayons, sur un dessin de Christian Godard. C’est après avoir rencontré Goscinny, et que celui-ci ait pris la tête de la rédaction de Pilote, que Ribera a l’opportunité de proposer des histoires au fameux magazine. L’Oncle de Dracurella sera le troisième (et dernier) tome de la série publié en album. Dans une interview datant de 2015, Ribera souligne l’influence du Dracula de Browning comme celle du Nosferatu de Murnau, deux films qui ont selon lui joué sur son appétence pour le récit fantastique. Et de fait, ce troisième album porte autant la marque du cinéma d’Universal (on y retrouve Dracula, mais aussi le Dr Frankenstein, la créature et sa fiancée, etc.) que celle du cinéma allemand, personnifié par Nosferatu, qui devient ici le frère de Dracula.
L’auteur a déjà fait évoluer son héroïne depuis ses débuts : elle a pris son indépendance aux côtés de Gri-Grill, le dragon avec qui elle partage sa vie. L’album L’Oncle de Dracurella va autant faire de Nosferatu un vampire traditionnel jusqu’au bout des dents, bien décidé à vivre comme un parasite, que montrer Dracurella comme une créature moderne, qui vit avec son temps (et les bienfaits que lui apporte la technologie, comme l’électroménager et la TV). Je m’attendais à quelque chose de plus licencieux, ayant encore en tête certaines histoires pas piquées des vers de Chroniques du Yemps de la Vallée des Ghlomes, une autre série de l’auteur. Mais Dracurella (que je découvre pour la première fois) est un personnage dont la charge sexy tient essentiellement à la plastique de son héroïne. L’ensemble fourmille de références à des récits et films fantastiques connus (Blanche-Neige, pour la relation avec la marâtre et la scène de la pomme, King-Kong, etc.) et ne lorgne vers La Famille Adams — une influence revendiquée par l’auteur — que pour l’idée de faire évoluer tout ce petit monde au sein d’une même famille.
Dracula, son père et Nosferatu sont des vampires. Ils ne se déplacent que la nuit tombée et on besoin de se nourrir de sang. À noter que le goût de ce dernier varie en fonction de ceux dont ils s’abreuvent. Si les vampires semblent dormir dans des cercueils — c’est ainsi le cas pour Nosferatu — Dracurella s’est affranchie de ces pratiques. Elle séduit ses victimes avant de les ponctionner à même la gorge, mais ne paraît pas vouloir les tuer.
Dracurella est un exemple assez précoce d’utilisation du vampire dans la BD européenne, même si sous l’influence du cinéma américain. L’album est assez symptomatique de son époque, mais joue avec bon goût avec les codes et références du genre, pour proposer un ton assez original.