Vampire impie, ne croyant ni en Dieu, ni au diable, ivre d’amour et de sensualité, Lestat a été pendant des siècles un prince courtisé dans le monde ténébreux et flamboyant des morts vivants. Mais aujourd’hui, à l’aube d’un nouveau millénaire, au cœur des jungles de néons de l’Amérique contemporaine ou dans l’immensité désolée du désert de Gobi, le doute le ronge, une obsession le tenaille : redevenir mortel. Regarder le soleil en face. Regarder la mort en face. Impossible ? Peut-être pas. C’est du moins ce que prétend le mystérieux inconnu qui se livre avec lui à un diabolique jeu de cache-cache, Miami à Amsterdam, de la Nouvelle-Orléans aux caraïbes.
Après les évènements narrés dans La Reine des Damnés et ses répercutions sur la communauté des buveurs de sang, on retrouve Lestat comme principal protagoniste du roman, et livré à lui-même. Le quotidien a repris son court normal mais malgré ses pouvoirs devenus considérables, le vampire blond est tout sauf empreint de sagesse. Extravaguant, capricieux, il est sans cesse à la recherche de sensations nouvelles à expérimenter. On apprécie le personnage pour son exubérance, sa soif de liberté, mais cette fois-ci son inconscience risque de lui coûter cher.
Avec Le voleur de corps, Anne Rice parvient à faire sortir le lecteur de ses gonds. Pourquoi diable, malgré la mise en garde de ses amis, malgré l’évidente duperie, Lestat va-t-il tomber comme un débutant dans un piège grotesque ? Comment une créature ancienne de plusieurs siècles peut-elle se montrer aussi négligente, voire stupide ? Sans doute qu’avec ce quatrième tome des Chroniques des Vampires, l’auteure chercha-t-elle à souligner le côté immature et crédule de son personnage fétiche. Objectif atteint.
Lestat erre de par le monde. Il met à l’épreuve les rayons du soleil sur son enveloppe immortel, cherche à pimenter ses nuits… Tout en épiant ses faits et gestes, il convoite également l’âme de David Talbot. Bien qu’ami, l’érudit du Talamasca n’aura de cesse d’opposer son refus au Don Ténébreux qu’il se voit offrir. Ce dernier est, avec Louis, l’un des rares intervenants d’un récit avar en la matière comparé à ses prédécesseurs. Le fil de l’histoire fera la lumière sur la relation liant le gentleman anglais et Lestat.
Le thème principal du livre, à savoir se faire déposséder de son corps par un autre, est bien amené, décrit de façon convaincante. D’un statut quasi-divin, Lestat choie dans la peau d’un simple mortel avec tous les déboires et la vulnérabilité que cela implique. Mais cette déplaisante mésaventure rendra-t-elle le vampire plus raisonnable ? Pas si sûr…
Le souvenir de Claudia hante Lestat. Elle lui parle en rêve, le tourmente et provoque en lui le doute tout en le mettant face à ses propres responsabilités. Psychologiquement avec cet ouvrage, Lestat paraît plus que jamais fragile et dépendant des autres. Son entourage parvient à le manipuler aisément, et Raglan James, le mystérieux voleur de corps, saura exploiter la témérité de sa proie. D’ailleurs, le roman est intéressant à ce niveau : il permet de concevoir une alternative pour accéder à l’immortalité. Lestat s’empare du sang de ses victimes, Raglan s’approprie le corps des autres, jouissant ainsi d’une multitude de vies humaines.
Malgré les trop longues et désormais habituelles dissertations religieuses gangrenant l’œuvre de Anne Rice, l’intrigue tient la route. En amenant ses lecteurs à pester contre Lestat, l’écrivain parvient à les immerger au cœur de son récit. La prose de la dame est raffinée, somptueuse. Cependant, la qualité globale de l’ambiance pêche par une certaine fadeur. Les décors s’enchaînent, de Paris, Venise, Londres ou Miami, sans réelle poésie. Abstraction faite du charismatique David Talbot, les personnages peinent à surprendre.
Le voleur de corps n’est pas en mesure de tenir la comparaison face aux trois précédents volets. Si les dernières pages contiennent un rebondissement, le reste de l’histoire est sans surprise. Volontairement, Anne Rice troque l’irrévérence de son héros contre une naïveté excessive. Il est intéressant de voir de quelle manière un vampire peut se réhabituer à une vie mortelle, avec pour maigre compensation de pouvoir marcher à la lumière du jour. La lecture du livre reste agréable, mais déçoit quand même beaucoup. L’un des opus les plus dispensables de la série.
Si tu n’aimes pas le coté religieux des livres tu seras servi avec le tome 5 Memnoch le démon qui pour moi est moins bien que le voleur de corps car l’histoire pourrait se résumer à la réécriture de la bible par Anne Rice.