Claudia est une enfant vampire, née sans qu’elle sache bien comment de Lestat de Lioncourt et de Louis de la Pointe du Lac. Mais l’enfant qu’elle était au moment de sa transformation cède peu à peu la place à une jeune femme coincée dans un corps d’enfant, tiraillée entre l’envie de comprendre comment elle est devenue ce qu’elle est et la frustration de ne jamais pouvoir être considérée autrement que comme une enfant.
Entretien avec un vampire est une œuvre incontournable pour qui s’intéresse à l’évolution du mythe du vampire, et le personnage de Claudia n’y est sans doute pas pour rien. Si Louis (puis Lestat dans la suite de la série) sont des personnages qui ne manquent pas d’intérêt, l’enfant-vampire (qu’on ne voit que dans ce premier opus des Chroniques des vampires) est un des vampires les plus troublants jamais mis en scène, auquel semble faire écho, de nombreuses années plus tard, Eli dans Laisse-moi entrer.
Ashley Marie Witter s’attèle ici à adapter sous la forme d’un roman graphique la partie du roman qui concerne la jeune vampire, depuis sa création par Lestat et Louis, jusqu’à sa mort dans un puits de lumière du Théâtre des Vampires. De quoi retrouver le personnage emblématique et se pencher plus précisément sur son évolution, et la complexité de sa condition. Abomination pour les uns, enfant-amante pour d’autres (la frontière entre les deux, quand on considère sa relation avec Louis, est plus que mince), Claudia renvoie à la perversion de l’innocence, et à la brièveté de l’enfance, période charnière de la vie humaine (en cela notamment que l’enfant n’est pas à même de jouir de son enveloppe charnelle). Un protagoniste cathartique pour Anne Rice, qui se lança dans l’écriture suite à la perte d’une enfant en bas-âge.
Le dessin est assez perturbant, dans le sens où on est face à un trait typé manga issu des crayons d’une dessinatrice (et scénariste) américaine. Du coup, si les traits des personnages sont proches de certains shojo historiques (tout en se rapprochant du physique des acteurs du film de Neil Jordan), l’auteur accorde un soin certain à ses décors et au cadre dans lequel évoluent ses personnages. La mise en couleur, quant à elle, reste dans des tonalités sépias qui contribuent à donner une ambiance passéiste.
Les lecteurs d’Anne Rice apprendront ici peu de choses sur les vampires de cet univers, étant donné que l’auteur colle au plus près des codes de la romancière américaine. Les vampires sont donc doués de raison (même s’il y a des exceptions), et doivent se nourrir de sang pour conserver leur jeunesse (et leur immortalité). S’ils craignent la lumière du soleil, qui leur est létale, d’autres moyens existent pour les affaiblir (le laudanum, le feu…). La transformation quant à elle demande un échange de sang entre le vampire et sa victime.
Un ouvrage dense, qui prend le temps de poser les personnages et l’histoire, laquelle s’intéresse essentiellement à la psychologie des principaux protagonistes, notamment Louis et Claudia. Il y a certes quelques longueurs, mais l’exercice est intéressant et réussi, dans le sens où les relations entre les personnages sont bien mises en scène, le tout porté par un dessin maîtrisé (même s’il a parfois tendance à édulcorer, au moins visuellement, les choses).