Ces dernières années, les vampires des légendes ont quitté les livres et les écrans de cinéma pour faire irruption dans la vie réelle. Plus qu’un effet de mode, il s’agit d’adopter un certain style de vie et de conception du monde. Dans cet essai, Arlene Russo (également rédactrice en chef du magazine vampirique Bite Me), enquête sur l’histoire réelle et secrète des vampires : les vampires historiques, les rites qui se pratiquent aujourd’hui dans de nombreux pays, les sociétés secrètes vampiriques et leurs ressemblances et dissemblances, etc. Une plongée en profondeur au coeur de la culture vampirique.
J’avais découvert le travail de l’auteur au travers de Bite Me, le magazine qu’elle a lancé il y a de nombreuses années et qui s’intéresse de manière exhaustive à tout ce qui a trait, de près ou de loin, aux vampires. En échangeant quelques mails avec elle, j’ai appris qu’elle avait publié un livre sur les vampires à l’ère moderne, lequel avait été traduit par chez nous.
Le livre ne se contente pas d’explorer la manière dont le mythe a fini par imprégner les sous-cultures, jusqu’à créer différents courants (des simples passionnés aux vampires psychiques, voire aux sanguins), et propose des pistes de réflexion autour de ce qui a pu amener à la création de mouvements comme les vampyres américains, voire aux organisations et cultes qui s’imprègnent du mythe et l’ont érigé en style de vie. On découvre ainsi comment le vampire moderne, personnalisé entre autre par les personnages créé par Anne Rice, et rendu davantage présents dans les médias via les adaptations cinéma, a fini par sortir de la fiction pure.
Laurent Courau avait déjà, dans son documentaire Vampyres (et dans le livre qui l’avait précédé), proposé une découverte objective de l’univers des vampyres américain et de leur mode de fonctionnement. Arlene Russo, si elle s’aventure également de l’autre côté de l’Atlantique, rajoute une dimension plus anglaise (l’auteur habitant au Royaume-Uni) à cet univers, interrogeant ainsi de nombreux intervenants, des passionnés de vampires ayant monté leur association aux vrais croyants en une philosophie vampirique, qui se revendique soit vampires psychiques (ceux qui absorbent l’énergie des être vivants par simple promiscuité), soit sanguins (ceux chez qui l’absorption de sang est vue comme une nécessité). Des groupes qui préfèrent garder profil bas vis à vis des médias, tant les exactions d’une frange minoritaire (pas toujours directement affiliés à ces groupes) jettent un voile noir sur leurs pratiques.
En passionné de l’aspect fictionnel des choses, je ne crois absolument pas à l’existence des vampires. Mais, à l’instar du documentaire précité, ce livre a pour lui de présenter une vision objective, et dessine peu à peu les contours d’une scène aussi complexe que fragile. Fragilisée à la fois par des tensions internes, et par le côté transgressive de leurs pratiques, les tabous liés au sang (qui se sont ré-affirmés depuis les années 90 et l’expansion des MST, le SIDA en tête) n’y étant pas pour rien.
Le livre est assez bien écrit malgré la multitude de points de vue qui y sont abordés. Reste que sa lecture risque d’être un peu ardue pour le néophyte qui ne s’est jusque-là inspiré qu’à l’aspect fictionnel des choses. Reste également que la traduction est parfois un peu trop maladroite, allant jusqu’à franciser les noms des différentes personnalités interrogées, quant il ne s’agit pas d’anglicisme (Penny Dreadful est ainsi traduit par… Penny Horrible…).