En 1476, alors que le règne de Vlad l’Empaleur approche de son terme, trois prêtres de confessions différentes se présentent au château du Voïvode. Accueillis par une forêt de pieux, ils se retrouvent rapidement devant le maître des lieux. Ce dernier leur octroie l’hospitalité en échange d’une réponse à une question : lui sera-t-il accordé le droit de passer les portes du Paradise, ou atterrira-t-il en Enfer ? Pour leur donner une vision plus complète de ses exactions, démarre le récit des luttes menées par son père, puis par son frère, dont il prendra enfin la suite.
Dracula son of the Dragon est à l’origine le résultat d’un crowdfunding initié en 2014 par les deux auteurs, le scénariste Mark Sable et le dessinateur Salgood Sam (nom de plume de Max Douglas). Le premier a fait ses armes autour de séries comme Unthinkable (2009) et Graveyard of Empires (2011). Le second a débuté en 1992 sur Nightbreed. Il a par ailleurs déjà illustré la figure du vampire, notamment Morbius the Living Vampire (1994, pour un récit intitulé « Drainage System »), et la série Sea of Read (co-créée par Kieron Dwyer et Rick Remender).
Dracula, son of the Dragon est un récit à mi-chemin entre fresque historique et trame fantastique. Le scénariste exprimait dès la mise en place de la campagne de financement sa volonté d’expliquer comment un chef de guerre du XVe siècle est devenu le vampire le plus célèbre de la fiction. Le texte puise ainsi avec une certaine fidélité dans ce qu’on sait du personnage, recréant cette période troublée de l’histoire des Balkans. Vlad est élevé dans un monde où les luttes de pouvoirs sont violentes, dans un royaume prisonnier d’allégeances contradictoires (d’un côté la menace turque, de l’autre le Saint Empire). Ceux ayant déjà une bonne connaissance de la vie de Vlad Tepes retrouveront ici des anecdotes et faits documentés (détaillés notamment par Mattei Cazacu). Pour les néophytes (et pour approfondir), le scénariste et le dessinateur explicitent à la fin de l’album leurs choix, et la manière dont ils ont interprété le matériau d’origine. L’ensemble est plutôt bien pensé, jouant les allers-retours entre réalité et fiction (on assistera aux classes de Vlad à la Scholomance). Le seul bémol tient à la chute, ce recueil s’achevant au moment où le père et le frère de Vlad meurent, et où le sultan l’envoie reconquérir son trône.
Graphiquement, j’avais déjà pu apprécier le trait de Salgood Sam sur le premier tome de Sea of Red. Je retrouve donc son style réaliste au dessin appuyé, et sa prédilection pour des mises en couleur qui font la part belle au marron et à l’ocre. On est néanmoins face à un récit plus chatoyant que Sea of Red. Plus homogène également dans son approche graphique, qui va elle aussi puiser dans le matériau historique : le design du château de Dracula est celui de la forteresse de Poenari, et le Vlad de 1476 reprend les traits qu’on connaît du personnage, basé sur un tableau anonyme exposé au musée d’Ambras.
Si le pitch de départ est bien de comprendre comment Vlad Tepes est devenu le vampire qu’on connaît aujourd’hui, on ne verra pas la bascule dans cet opus. La partie vampirique repose davantage sur Alexandra, qui sera transformée en strigoï après avoir été choisie par le Diable. C’est elle qui, lors des cours à la Scholomance, détaillera à Vlad — et au lecteur — leur destin après avoir étudié les arts sombres.
Une mini-série de bonne tenue, qui mêle de façon efficace la réalité historique connue avec une approche fantastique.