Après avoir rêvé des jeux du cirque, et s’être vu au centre de l’arène, à la merci des bêtes sauvages, Icare se réveille une nouvelle fois en pleine rue. Le jeune homme, amnésique, alterne depuis bien longtemps ces phases oniriques, qui le propulsent un peu partout, à travers l’histoire de l’humanité, et des phases conscientes où il se sait traqué par des ennemis inconnus. Des phases d’éveil où il est également pris d’une soif inextinguible de sang, qu’il prélève à même les veines de ses victimes, qu’il laisse immanquablement dans son sillage.
Dark Blood est une nouvelle série aux dents longues signée Amélie Sarn et Marc Moreno. Si tous deux ont déjà officié ensemble (Dragon Eternity, Le temps des cerises et Loup), je connais surtout, à l’heure actuelle, le travail du dessinateur, découvert il y a bien longtemps au détour du premier Régulateur, une série de SF au démarrage incroyable. Pour autant, c’est Amélie Sarn qui a déjà travaillé sur le thème du vampire, comme me l’a rappelé une chronique de Spooky. Avec un pedigree comme celui du duo, je dois du coup avouer m’être plongé avec intérêt dans ce premier tome.
Le scénario reste, à la fin de ce premier tome, relativement nébuleux. À l’image de l’amnésie dont est atteint le protagoniste principal, Amélie Sarn choisit de ne révéler que par touches les éléments en présence autour d’Icare, collant au plus près à la manière dont celui-ci va démêler l’écheveau dans lequel il se trouve. Pour autant, il ne s’agit pas là d’un récit à la première personne, car on voit évoluer des protagonistes en parallèle, qui dessinent peu à peu les contours d’un univers certes classique (une organisation d’enquêteur spécialisé sur le sujet des créatures surnaturelles, l’existence d’une organisation qui structure ces dernières et est infiltrée dans les hautes sphères, etc.) mais relativement bien amené.
Si l’idée de montrer un vampire évoluer à travers l’Histoire ne date pas d’hier (de très nombreux romanciers et scénaristes ont déjà utilisé cette idée), je dois avouer particulièrement apprécier ce parti pris. Qui mieux qu’une créature immortelle pour nous raconter la folie des hommes, et les heures les plus sombres de l’Humanité ? Plusieurs époques durant lesquelles semble avoir vécu Icare sont ainsi convoquées au fil de ce premier opus, depuis la Rome Antique, en passant par l’après Guerre de Sécession, voire la Deuxième Guerre Mondiale. Des flash-back qui montrent aussi bien le regard distant de la créature sur la folie des hommes que la puissance des instincts qui lui permettent d’exister par-delà les époques.
Côté dessin, je serais plus nuancé que pour le scénario. La composition des planches est très réussie, et de nombreuses cases montrent aussi bien une maîtrise indéniable du cadrage (certaines cases en pleine planche sont bluffantes), des jeux de lumière (la couleur étant assurée par le dessinateur) et un bon sens du dynamisme. Je trouve par contre un léger trop-plein de personnages féminins à la poitrine surdéveloppée. L’esthétique Underworld / Van Helsing est peut-être passée par là, mais je trouve que cela dessert quelque peu la patte graphique de Marc Moreno.
En ce qui concerne la figure du vampire, on comprend rapidement que les buveurs de sang perdent leurs traits humains au moment de se nourrir, leur visage prenant alors un aspect plus bestial. Quelque chose entre le Volunteer de Muriel Sevestre et Benoît Springer et le The Strain de Guillermo Del Toro. Ces vampires sont dotés de crocs pour mordre leur victime, mais ils ont aussi une langue tentaculaire, et des griffes acérées. Il semble qu’une fois l’intégrité de leur corps mise à mal, ils prennent feu, ne laissant que de la cendre derrière eux. Enfin, on notera autant l’existence d’une organisation avec à sa tête ce qui semble être les vampires les plus puissants, et celle d’organismes composés d’humains qui semblent enquêter sur les exactions des buveurs de sang.
Un premier opus rondement mené, qui pose les bases d’un univers maîtrisé capable d’attiser la curiosité du lecteur, malgré des ficelles déjà rodées. Concernant le dessin, je ne peux que constater le sens de la mise en page de Marc Moreno, même si certains choix graphiques du côté des personnages m’ont semblé plus discutables. Je suivrais au final avec attention les prochains opus de cette série.