Slavonie, début du XVIIe siècle. Capitola est une jeune fille insouciante de seize ans qui mène une existence privilégiée au sein de sa famille bourgeoise, malgré la domination ottomane. Mais un jour, des soldats hongrois débarquent dans son village et demandent à son père la permission d’emmener sa fille : celle-ci sera bien éduquée chez leur maîtresse, la puissante comtesse Erzsébet Báthory, qui lui apprendra à se comporter comme une grande dame…
Et voilà que les ennuis commencent pour Capitola. Après un voyage pour le moins éprouvant où elle doit ravaler son chagrin, sa frustration et sa colère, elle va vite découvrir à ses dépens que le pire est à venir. Dès lors, elle n’aura plus qu’un seul objectif : survivre.
Après une trilogie vampirique assez remarquée (Par le Sang du Démon, Délivre-nous du mal et L’Héritage du Serpent) Virginia Schilli signe un nouveau roman à la fois gothique et historique qui nous plonge dans la Hongrie du XVIIe siècle et dans l’univers sanglant de la comtesse Báthory.
L’intrigue est prenante et bien construite, l’atmosphère gothique monte en un crescendo glaçant, tout comme le style, précis et agréablement soutenu. Tel un vieux film terrifiant de la Hammer, les images défilent en clair-obscur dans l’imagination du lecteur : du nid d’aigle du château de Čachtice, en passant par les villageois au regard fuyant − sans oublier la sombre forêt hantée par les sorcières de la comtesse. Le décor slave est particulièrement bien dépeint, le cadre historique est respecté.
Et puis il y a Capitola, cette jeune héroïne à la fois naïve et effrontée qui va subir un véritable voyage initiatique en enfer et susciter ainsi l’admiration, sinon la sympathie, du lecteur. Parmi les personnages secondaires se détache le mystérieux Konstantin, dont le rôle ambigu aurait sans doute pu être un peu plus développé.
Quant à la terrible comtesse, à la démence insaisissable, son portrait est en tout point conforme à sa légende : cruelle, concupiscente et désespérément sadique. Entre deux apparitions, la tension est palpable ; le lecteur est dans l’attente de sa prochaine « crise ». Si le vampirisme n’est pas au premier plan de ce récit (il s’agit davantage d’une fiction historique que fantastique), les motifs de la morsure, du teint blanc et des bains de sang reviennent toutefois assez régulièrement et font écho à la femme vampire que la tradition a créée.
Lune des Carpates fut donc un très bon moment de lecture. Je conseille ce roman à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la comtesse sanglante ainsi qu’aux amateurs de bons récits gothiques.