Aspirine pense que l’extinction de l’espèce humaine est inéluctable. À l’aube de se retrouver confinée avec sa sœur, la vampire de 300 ans passe ses derniers instants de tranquillité avec Yidgor. Contraintes de vivre sous le même toit, Aspirine et Josacine viennent bientôt en aide aux monstres isolés, après un échange avec Ionas. Celui-ci est en effet le proche collaborateur de Rebecka Broke, réputée pour être la seule à pouvoir soigner les créatures surnaturelles.
La réalité rejoint une nouvelle fois la fiction dans ce troisième volet des aventures d’Aspirine, la vampire adolescente imaginée par Joann Sfar. De fait, les protagonistes se voient confinés malgré eux, en raison de l’épidémie de Coronavirus. Le Covid-19 est donc au cœur de cet album, le quotidien des monstres étant bouleversé par le virus. Aspirine et Josacine vont se retrouver mêlées aux recherches menées pour trouver un vaccin. Une fois de plus, l’univers de Sfar pioche dans de nombreux panthéons, depuis Lovecraft (incarné ici par le personnage de Providence et ses sbires) jusqu’aux monstres plus classiques (vampires, garous et autres créatures monstrueuses).
L’auteur s’amuse à imaginer une communauté des monstres à la fois intégrée et parallèle au monde des humains. Ainsi, vampires, garous et leurs semblables disposent leur propre réseau social (Monster Tinder, qui donne son nom à l’album), sous-louent leurs appartements via Airbnb et apprécient une séance de cinéma. La situation sanitaire suscite de nombreuses questions quant à l’impact du coronavirus sur leur existence. Un vampire peut-il attraper la maladie ? Comment continuer de vivre en tant que monstre (et dans certains cas, se nourrir), quand tous les humains se terrent chez eux ? L’auteur joue des effets de miroir entre les deux sociétés… et le lecteur en vient à s’interroger sur ce qui le différencie en fin de compte des créatures surnaturelles.
Dès la première planche, le dessinateur-scénariste déploie des ponts entre le réel et la fiction. Aspirine explique à Yidgor qu’elle est allée visiter l’exposition sur les vampires de la cinémathèque. Ce faisant, elle s’amuse qu’on fasse passer Klaus Kinski pour un acteur maquillé, suggérant par là qu’il était lui-même un vampire. De même, elle fait allusion à la revue Midi-Minuit. L’histoire, quant à elle, montrera que les vampires ne sont pas immunisés contre le Coronavirus. Et qu’à minima, leur immortalité en fait des sujets de choix pour les expérimentations médicales. Enfin, il y a cette idée que certains des traitements peuvent être létaux aux vampires : un choc pour Aspirine qui voit un vampire agoniser sous ses yeux.
Ce troisième opus d’Aspirine est en phase avec la réalité, le récit se déroulant sur fond d’épidémie de Covid-19. Une manière pour l’auteur de mettre ses protagonistes face à ce qui secoue le monde des humains, au sein duquel ils évoluent.