Petit vampire, sa mère et le capitaine squelette vivent reclus depuis près de 300 ans, dans une maison protégée par de puissants sortilèges. Malgré ses amis morts-vivants et les loisirs sans fin qui s’offrent à lui, Petit Vampire commence à trouver le temps long. Il ne rêve que d’une chose : sortir du manoir et aller à l’école, se faire des amis humains. Mais le capitaine et sa mère lui interdisent formellement de se promener dans le monde extérieur, sans pour autant en expliquer les raisons. Jusqu’au jour où il décide de braver l’interdit.
Petit vampire n’est pas la première série de Joann Sfar. Petrus Barbygère (scénarisée par Pierre Dubois), Les Potamoks (dessinée par José Luis Munuera) et Troll (dont il signe le scénario, sur un dessin de Jean-David Morvan) étaient (notamment) déjà passées par là. Pour autant, les 7 tomes de la série mère (publiés entre 1999 et 2005) auront contribué à la reconnaissance de l’auteur par le grand public. La série est ainsi inscrite depuis plusieurs années dans la liste des ouvrages conseillés par l’Éducation Nationale, et aura bénéficié d’une adaptation en série d’animation. L’auteur s’est penché à nouveau sur cet univers avec Grand Vampire (série rééditée plusieurs fois depuis sous différents titres, initialement sortie entre 2001 et 2005), et sur les buveurs de sang à proprement parler avec son roman L’éternel (sorti en 2013). Ce nouvel opus consacré à Petit Vampire ne vient pas prendre la suite de la série déjà existante, mais se présente comme un préquel. Lequel va donner l’occasion à Sfar d’approfondir l’univers du personnage et la manière dont il fonctionne.
La lecture de la série originale remonte quelque peu en ce qui me concerne, mais on retrouve rapidement ses marques. Prélude oblige, il n’est pas nécessaire de connaître les tomes précédents pour comprendre de quoi il retourne. A l’instar de ce qu’il a pu faire avec Grand Vampire, Sfar choisit en effet de faire de cette nouvelle série un satellite de la série initiale, et d’y dévoiler la naissance de Petit Vampire, et ce pour quoi lui et sa famille vivent enfermés depuis des siècles dans leur maison. L’occasion d’introduire le grand méchant, Le Gibbus (dont l’aspect rappelle les Sélénites de Jean Image), adorateur d’un dieu antédiluvien qui a juré de se venger de la petite famille. Petit Vampire, lassé de près de 300 ans sans ami de son âge, décide de passer outre l’interdiction de sa mère et du capitaine, et de pénétrer le grand monde. L’album, s’il se pose comme une genèse, n’en oublie pas pour autant de s’appuyer sur les valeurs et thèmes qui transparaissaient dans les tomes précédents, à commencer par l’amitié et la relation enfant-adulte.
L’album est co-scénarisé par Sandrina Jardel, qui collabore maintenant avec le dessinateur-scénariste depuis plusieurs années, et s’étale sur près de 64 pages, soit le double des tomes publiés par Delcourt. Sfar introduit également de nombreux clins d’œils au cinéma et à la littérature de genre. Ainsi les monstres ont monté un ciné-club où ils projettent les classiques d’Universal et de Hammer Films, de même que le dieu auquel le Gibbus a juré allégeance est comparé (par son odeur, mais sa forme y fait également référence) au Cthulhu de H.P. Lovecraft.
Graphiquement, Joann Sfar revient avec brio à son personnage. Le style du dessinateur-scénariste est inimitable, et on assiste à un nouveau à un déluge de formes et de couleurs. Il y a également un petit quelque chose du Fred de Philémon, dans la mise en scène et l’intégration d’un certain absurde. Le trait semble simple au premier abord mais les cases regorgent de détails. L’auteur montre une fois de plus qu’il a son style propre, immédiatement reconnaissable, qu’il a su affiner au fil des ans. L’impression aussi que son travail sur des albums et sujets plus adultes (notamment dans le dessin d’actualité), ces dernières années, profite à ce retour à la jeunesse.
Côté vampire, on a connaissance de l’existence de deux d’entre eux : Petit Vampire et sa mère Pandora, transformés après avoir mis le pied sur le Hollandais Volant. Si on aperçoit leurs dents, on ne les voit pas se nourrir (à un moment, il est suggéré que Mlle Pandora puise dans les réserves de sang des hôpitaux). Leur statut de vampire semble leur conférer quelques pouvoirs : l’immortalité (cela fait 300 ans qu’ils vivent ainsi), ainsi que le vol (petit vampire peut se déplacer librement dans les airs). Et bien évidemment, ils possèdent les mêmes limites que les vampires traditionnels, à commencer par une incapacité à se déplacer à la lumière du jour.
Un retour aux affaires qui ne manque pas d’intérêt pour le personnage créé par Joann Sfar. On a désormais hâte de découvrir la suite (mais également la version cinéma, qui ne devrait plus tarder à voir le jour), sachant que 3 tomes sont prévus, et que Rue de Sèvres (qu’on avait déjà pu découvrir avec Le Horla de Guillaume Sorel) fait du très bon boulot.