Une jeune femme se réveille, s’extirpant d’un tas de gravats au cœur d’une forêt. Rapidement, elle comprend qu’elle est amnésique, et qu’elle a tout oublié de sa vie passée. Elle découvre dans ses affaires une arme étrange portant un nom, Laura. Serait-ce le sien ? Alors qu’elle cherche un abri, elle fait la rencontre d’Arnolt. Celui-ci se présente comme un prêtre chargé d’éradiquer des démons buveurs de sang. Peu à peu, Laura réalise que ce sont leur présence à elle et Arnolt qui sont responsables des transformations des humains en créatures avides de sang. Car ils appartiennent tous deux à la race des nosferatus.
Shinjirô s’est fait connaître comme dessinateur sur Fate/Zero, une préquelle dans l’univers du jeu vidéo Fate/stay night. Il a fait ses armes en tant que scénariste sur Taboo Tattoo, sur laquelle il s’occupe aussi de la partie graphique. Comme il le révèle dans le rabat de ce premier tome de Shûmatsu no Nosferatu (le titre japonais), c’est à la demande de son éditeur qu’il s’est penché sur un récit autour de la figure du vampire. Pour autant, l’approche de l’auteur sort des sentiers battus, même s’il exploite également de grands poncifs.
L’idée d’un héros amnésique n’est pas nouvelle dans le manga (Blood+, Tsukihime), et permet d’introduire progressivement l’univers au lecteur, au fur et à mesure ou le protagoniste re-(découvre) celui-ci. Ce trope offre dans le même temps de bonnes possibilités de rebondissements. Ces deux axes sont sans surprise utilisés par Shinjirô, pour autant ce dernier sait aussi brouiller les pistes. Ainsi le premier chapitre amène Laura à penser qu’Arnolt est un chasseur de monstre, avant de comprendre que – lui comme elle – sont à l’origine des transformations. La jeune femme réalise à partir de là que sa quête d’elle-même sera solitaire, ne pouvant s’approcher des humains au risque de les voir devenir des créatures avides de sang. Ce qui ne l’empêchera pas de se trouver un compagnon de route, en la personne du jeune Moroï, qui semble insensible à son pouvoir.
L’univers de Nosferatu fleure bon la dark fantasy. On est dans un monde médiéval fait de châteaux de nobles et de villages de paysans, dans lequel l’Église a un pouvoir important. Mais la rencontre entre le duo de héros et la jeune Elisabeth Bathory renvoie dans le même temps à la Hongrie du XVIIe siècle. Le récit est très sombre, et les choses n’iront pas en s’améliorant au fil de la trame. Le terme Moroï renvoie quant à lui aux légendes est-européenne, alors que le prénom de Laura pourrait être un clin d’oeil au Carmilla de Le Fanu.
Le dessin de Shinjirô colle parfaitement à la noirceur du propos. Le titre fourmille de scène gores, qui s’imposent dès la première rencontre entre Laure et Arnolt. Pour autant, le dessinateur prend le temps de faire respirer ses protagonistes, de tisser des relations entre eux. De fait, il est à l’aise aussi bien dans les scènes où le combat et la violence transpirent que dans les moments plus introspectifs, qui font avancer le récit via les dialogues.
Pour ce qui est du mythe du vampire, le titre laisse d’emblée croire à une approche relativement classique du sujet. Il n’en sera rien, comme le découvre vite Laura. Elle appartient à la race des Nosferatu, qui sont immortels et dont la proximité transforme les humains en créatures assoiffées de sang. Si un homme vient à absorber le sang d’une de ces créatures, il a une chance sur dix de devenir l’un d’eux; le reste du temps, ils meurent en quelques jours. Enfin, la lumière du soleil repousse les Nosferatu, qui ne peuvent évoluer que la nuit tombée. La fin du premier opus révèle par ailleurs que la lutte entre ces entités et les hommes ne date pas d’hier, et que leur espèce a appris à s’organiser.
Un premier opus qui exploite des éléments classiques (à commencer par une héroïne amnésique), mais se détache du lot par sa réinterprétation du mythe. La série étant courte (4 tomes en VO), je suis très curieux de voir comment tout cela va évoluer.