Au XVIIe siècle, la Hongrie fut le théâtre de la disparition mystérieuse de dizaines de jeunes filles. Elles avaient toutes un point commun : elles avaient fréquenté le château d’une mystérieuse comtesse dont la rumeur, s’amplifiant au fil des disparitions, en faisait un être maléfique, sadique… Une enquête fut menée, un procès s’ouvrit, accusant la comtesse Erzsebeth Báthory de terribles crimes en série : avoir exécuté des femmes pour se baigner dans leur sang, prétendu elixir de jouvence. La comtesse sanglante fut-elle une démente digne des pires serial killers ? Ou la victime d’une société ne tolérant la femme que soumise ? Jacques Sirgent nous livre une étude passionnante réservant bien des surprises.
Après avoir ressorti son dyptique vampirique aux Editions Camion Noir, voilà que Jacques Sirgent propose, toujours chez ce même éditeur, un essai sur la Comtesse Elisabeth Bathory. Un essai qui a su attirer mon attention, les différentes ouvrages que j’ai eu l’occasion de lire jusque-là (La comtesse sanglante de Codrescu, La comtesse sanglante de Penrose) n’étant que des biographies fortement romancées, avec tout ce que cela sous-entend de raccourcis, d’ajouts et autres libertés prises avec la vérité historique. Avant même de l’avoir ouvert, l’ouvrage propose deux gros points positifs : il ne s’intitule pas La comtesse sanglante (le manque d’imagination des auteurs ayant traité le sujet semblant être chronique à ce niveau) et possède une couverture plutôt réussie, qui place d’emblée la femme au centre des recherches de Jacques Sirgent.
L’auteur introduit donc son propos en retraçant, à travers l’histoire et ce jusqu’à l’époque de la comtesse Bathory, la place de la femme, analysant les évolutions des a priori, passant au crible de nombreuses affaires de sorcelleries et proposant des pistes (religieuses et sociales notamment) pour tenter de comprendre chacune des évolution du point de vue de l’homme sur son inséparable binôme. Cette partie de l’ouvrage, qui prend une place assez importante, est loin d’être inintéressante, Jacques Sirgent parvenant à proposer de nouveaux cas et anecdotes, ne cédant ainsi pas à la facilité de toujours ressasser les mêmes affaires. J’ai cependant trouvé cette première partie moins passionnante par rapport à mon attente sur le contenu du livre, car même si ces éléments peuvent aider à comprendre le procès et la condamnation de la comtesse, ils sont quand même un peu déconnectés du reste du livre.
La partie suivante va davantage nous faire rentrer dans le vif du sujet, en dressant un portrait rapide mais nécessaire pour comprendre la Hongrie à l’époque de la Comtesse. Cet état des lieux terminé, l’auteur aborde ensuite la vie de la comtesse, au travers à la fois de ce qu’on pu en dire ses contemporains, que des textes romancés qui ont pu être écrits sur elle (avec un minimum de recul), proposant lui-même son point de vue sur les zones d’ombre de la vie de la comtesse. L’auteur profite de cette tentative de proposer à son lecteur une biographie de la comtesse pour revenir sur les pathologies dont on la croyait victime (l’épilepsie en tête), croisant les sources et les études réalisés sur les malades du Grand et du Petit Mal pour tenter de valider l’hypothèse ou non des raisons médicales aux exactions qui auraient été perpétrées par Elisabeth Bathory. Jacques Sirgent finit son ouvrage en passant le procès au crible, analysant les raisons sous-jacentes des actes d’accusation, le pourquoi de la sentence et la place du politique et du religieux dans toute l’affaire.
Un livre assez bien fichu sur le sujet de la comtesse, même s’il aurait peut-être gagné à s’appuyer sur davantage de sources d’époques (notamment les actes du procès auquel il est fait allusion mais dont on espérait plus de citation), et dont la première partie est un peu disproportionnée par rapport aux chapitres plus directement liés à la comtesse. Un essai à lire malgré tout pour ceux qui cherchent des informations moins romancées sur la célèbre comtesse hongroise.