Quatrième recueil pour la série de Snyder et Albuquerque, qui propose deux récits déconnectés (hormis par la présence de Skinner Sweet), rompant avec la chronologie des premiers opus. Le premier va nous permettre de remonter dans le passé du premier American Vampire, en revenant sur sa première rencontre avec les bêtes à crocs, sur le chemin de sa propre transformation. Une histoire située en plein conflit avec la nation indienne, qui voit cette dernière faire appel à une ancienne légende pour repousser une fois pour toute l’envahisseur blanc. La seconde, située dans les années 1950, nous permet de suivre Travis Kidd, un chasseur de vampire aux méthodes expéditives à la recherche de la créature de la nuit responsable de la mort de ses parents.
On ne va pas s’en cacher : American Vampire fait parti des plus belles surprises de ces dernières années sur le thème du vampire dans le 9e art. Snyder a rapidement mis sur pied un univers cohérent qui prend certes ses racines dans une matière première classique (l’antagonisme entre vampires et chasseurs de vampires, les dissensions entres vampires…), qu’on peut facilement faire remonter au Dracula de Stoker. Mais il met peu à peu en place un mythe dépoussiéré, des vampires qui se démarquent de ce qu’on a déjà pu lire, tout en proposant plusieurs personnages forts, par leur personnalité comme par leur histoire (surtout quand elle rejoint l’Histoire avec un grand H).
Ce tome, contextualisé dans deux périodes bien différentes (la deuxième moitié du XIXe siècle et des années 1950) de l’histoire des États-Unis n’échappe pas à la règle. Si on est fatalement un peu frustré de ne pas poursuivre d’emblée l’histoire du tome 3 (que deviennent les protagonistes après ce qui se passe sur cette île de l’archipel japonais ?), les deux récits ici présentés sont aussi bien ficelés qu’à l’accoutumée, pas très éloignés, dans l’esprit, des petites histoires de l’anthologie parue cet été. On y suit donc Sweet durant son engagement dans l’armée, alors en plein conflit contre la nation indienne. Laquelle décide de faire appel à une entité incontrôlable pour prendre l’avantage. C’est bien pensé, rondement mené, et cela permet également d’en apprendre un peu plus sur le caractère de Sweet avant qu’il ne devienne le premier vampire américain. La seconde histoire nous offre à connaître un chasseur de vampire un peu spécial, l’exemple type du personnage roublard qui a compris que pour tuer des ennemis immortels (ou à peu de chose près), il faut savoir se comporter comme eux, et ne pas craindre le danger.
Le dessin d’Albuquerque est du même tonneau que celui des précédents opus. Si je préfère au final le dessin de Sean Murphy, qui signe le spin off Legacy, je dois avouer que le dessinateur de la série mère a lui aussi sa patte bien à lui, et son style dynamique. Reste que je trouve sa patte moins homogène que celle de Murphy (et parfois un peu figée). Mais ça reste nettement au-dessus de la plupart des séries sur le sujet de ces dernières années, à quelques exceptions près.
Concernant les vampires, on découvre ici que les Indiens possèdent leur propre légende en la matière, laquelle vient donc intégrer la cohorte des différentes espèces de vampire qu’on a déjà pu croiser dans les pages de la série. Une créature qui ne peut donc pas être tuée de manière traditionnelle (comprendre : avec un pieu en bois), mais on ignore si ce vampire américain appartient pour autant à la même race que Skinner. Cette créature a également comme capacité celle de pouvoir se transformer en une créature humanoïde de taille démesurée, dont la force semble ainsi décuplée.
Un quatrième opus de belle tenue pour cette série, même si on regrette que les auteurs aient choisi de faire une pause dans la chronologie de la série pour proposer deux histoires indépendantes où Pearl et Sweet n’ont pas le même statut. Vivement la suite !