Après avoir consulté le Conseil des Aînés, Skinner, Pearl et leurs alliés savent désormais ce qu’il les attend pour stopper la menace représentée par le Marchand Gris. D’autant qu’il ne va plus falloir beaucoup de temps à ce dernier avant de mettre ses plans en action et prendre le contrôle de la planète. Le petit groupe fait à nouveau route vers le lieu secret où est entreposée la tête de l’Iskakku, dont le sang doit leur permettre de tuer leur ennemi. Skinner étant redevenu humain, c’est Jim Book qui représente leur meilleur espoir. Celui-ci a en effet été ressuscité par un sang très ancien, tout en possédant un peu de celui des vampires américains dans ses veines.
Presque douze ans après la sortie des premiers numéros (novembre 2010) en langue anglaise, voici qu’arrive enfin entre mes mains ce dernier recueil en français. C’est donc la fin d’American Vampire, qui aura connu deux hiatus, mais n’en conserve pas moins d’un bout à l’autre une cohérence indéniable. Après une introduction en pleine Conquête de l’Ouest, la saga aura également fait évoluer ses personnages pendant les Guerres indiennes, lors de la Grande Dépression (et dans le même temps lors de l’avènement du cinéma parlant), durant la Seconde Guerre mondiale, etc. À chaque fois, c’est à la fois l’histoire américaine et la place du pays vis-à-vis du reste du monde qui constitue la toile de fond. Pour autant, la figure du vampire n’est pas qu’un prétexte : les auteurs se sont approprié avec brio la créature, élaborant une mythologie étendue où cohabitent des légendes très différentes.
Ce dernier opus regroupe en premier lieu les recueils American Vampire Anthology #2 et American Vampire 1976 #6 à #10. Il s’agit donc de récits courts, qui mettent en œuvre autant des personnages déjà connus que d’autres vampires à travers le territoire américain. Il y a matière à explorer, au vu de la longévité des créatures, et Snyder et Albuquerque ne déméritent pas. Ces récits permettent ainsi de mieux comprendre la personnalité de certains des protagonistes majeurs que de lever d’autres pans du voile qui recouvre la généalogie des vampires, et leur histoire vis-à-vis des terres de l’Oncle Sam. Pour le reste du recueil, c’est la suite directe du précédent. Les héros, constitués d’une poignée de survivants des Vassaux de Vénus et de quelques électrons libres (dont l’incontournable Skinner Sweet), doivent retourner auprès de l’Iskakku. Le Conseil des Aînés a en effet identifié Jim Book comme le seul à même de supporter le sang de l’artefact contre Le Marchand gris.
Cette partie de l’histoire ne manque à nouveau pas de rebondissements. Une surprise pour Pearl, Felicia et les autres, mais pas pour le lecteur, qui sait depuis la fin du précédent recueil que le Marchand gris a un coup d’avance. Plus d’un sacrifice sera nécessaire pour peut-être stopper le mal absolu, alors que ce dernier est sur le point de mettre ses plans à exécution. Snyder ne néglige aucun de ses protagonistes, tous ont ainsi leur rôle à jouer. La série a su faire de Skinner un individu aussi détestable que profondément attachant. Alors que celui-ci est redevenu humain, le final imaginé par Scott Snyder sera à la hauteur de ses affects comme de sa psychologie.
Au niveau du dessin, Rafael Albuquerque est au meilleur de sa forme. Depuis le premier volet, il a su s’approprier les personnages, leur donner un relief, un sens du mouvement. Son style met idéalement en lumière les visages de ses personnages, avec un côté très western italien. Alors que cet opus est celui de la bataille finale, il montre également une aisance pour les batailles apocalyptiques. À noter une fois de plus le travail de Dave McCaig pour les couleurs, qui épousent au mieux les temps forts de l’intrigue.
Ce recueil a beau être le dernier, il n’est pas exempt d’éléments intéressants concernant la mythologie vampirique de la série. On apprendra ainsi que le sang de Dracula, plus puissant des carpathiques, permet de contrôler l’ensemble des vampires de cette espèce. Ceux-ci, parmi les plus nombreux, expliquent la connaissance limitée que les humains peuvent avoir des vampires. Dracula et les siens sont les vampires du vieux continent, ceux qui ont inspiré les romanciers. Dans le même temps, on découvrira encore certaines espèces de vampires, comme les Ustrel. Ceux-ci ont la particularité de se nourrir uniquement du sang de bétail, qu’ils prélèvent grâce à un dard sur leur langue, ils n’ont donc pas de crocs. C’est sans nul doute cette variation qui a inspiré Suzy McKee Charnas pour son Vampire Ordinaire, et par extension Guillermo del Toro dans Blade 2 et The Strain. Voire Paul Féval dans sa La Ville Vampire ?
Une fin magistrale pour une série qui a su rester constante, d’un point de vue qualité, tout au long de sa (longue) publication. Définitivement, un incontournable pour qui s’intéresse à l’évolution du vampire au travers du neuvième art.