Le narrateur est un écrivain qui vit en Normandie, seul avec sa domesticité et son chat, dans une grande maison au bord de la Seine. Au fil des jours, ses nuits sont hantées par une étrange entité, qui le laisse de plus en plus épuisé. Rapidement, il décide de fuir, entre Le Mont Saint Michel, Paris et Rouen, mais ses pas le ramènent sans cesse chez lui. Est-ce dû à l’influence grandissante de la mystérieuse entité ? Que cherche-t-elle vraiment ? Est-ce seulement possible de lutter ?
Guillaume Sorel est un des auteurs de bande dessinée dont le travail me fascine depuis ses premiers pas avec l’Ile des morts en 1991, série à qui je dois mon attirance pour tout ce qui touche au tableau éponyme d’Arnold Böcklin. Ce n’est pas la première fois qu’il se frotte au thème du vampire, son premier travail solo, Mother, était une adaptation d’une nouvelle de David H.Keller intitulée l’Artiste de la Lune qui mettait en scène la relation ambiguë et vampirique d’un artiste avec sa mère. Cette fois-ci, c’est sur un texte plus connu des amateurs que se penche le dessinateur-scénariste, avec « Le Horla » de Guy de Maupassant. Une (ou plutôt des, étant donné qu’on en dénombre plusieurs versions) des nouvelles les plus célèbre du romancier français, tête de proue d’une sous-classification de la fortune littéraire du vampire : le vampire psychique.
Sorel part ici de la seconde version du texte, tout en prenant des libertés avec ce dernier, notamment au niveau de la narration. L’auteur a en effet choisi de gommer le style épistolaire de la nouvelle, tout en conservant le personnage principal comme narrateur. Et si l’histoire suit les grandes étapes du récit de Maupassant, plusieurs éléments récurrents de l’œuvre de Sorel viennent s’y greffer. Ainsi, le chat, qui semble être le premier à avoir conscience de l’existence de l’entité, figure récurrente dans l’œuvre de l’auteur (notamment dans Algernon Woodcock, mais déjà présente dans l’Ile des Morts). Voire la représentation du Horla et de son obédience, qui semble rattacher la créature à un bestiaire antédiluvien qui n’aurait pas déplu à Lovecraft.
Si j’apprécie la manière dont Guillaume Sorel dépeint l’époque (notamment la Capitale), je suis moins charmé par la mise en couleur que par celle de son travail précédent, Hôtel Particulier, même si l’influence picturale des artistes de l’époque (je pense notamment à Manet) est ici prégnante. De fait, j’ai davantage apprécié les ambiances nocturnes, plus sombres, celles où la créature fait son apparition : plus sombres, plus baroques.
Pour ce qui a trait au mythe du vampire, et aux caractéristiques de la créature qu’est le Horla, Sorel choisit de coller au texte d’origine. Ainsi l’entité semble s’abreuver de l’énergie vitale du narrateur, tout en ne s’abreuvant que d’eau et de lait. Ainsi elle ne fait son apparition qu’après le passage d’un trois-mâts en provenance du Brésil où, on l’apprendra plus tard, des entités du même genre semblent s’attaquer aux êtres vivants.
Une adaptation plutôt réussie pour ce « Horla » qui voit Guillaume Sorel s’attaquer de front à un des mythe de la littérature francophone, et du vampire littéraire. J’ai été plus accroché par d’autres de ses récents travaux, mais il y a à n’en pas douter ici volonté menée à bien de s’approprier le texte sans pour autant le dénaturer.