Terence Fisher, Christopher Lee, Peter Cushing… Plus qu’une date de l’histoire du cinéma qui vit l’épouvante assumer enfin sa dimension érotique et violente ; le cycle gothique produit par la firme britannique Hammer Films fut en France un véritable emblème subversif. Le déferlement sur les écrans à partir de 1957 de Frankenstein s’est échappé, La Nuit du loup-garou ou encore Dracula prince des ténèbres offre l’histoire d’une étonnante bataille d’Hernani faite de luttes esthétiques, de passions cinéphiles sur fond de révolution pop et de bouleversements politico-culturels. En retraçant ces évènements sous la forme d’Un passionnant récit agrémenté d’entretiens fleuves, Nicolas Stanzick livre non seulement le premier ouvrage consacré en France à la maison Hammer, mais il apporte du sang neuf à l’abondante littérature anglo-saxonne déjà parue sur le sujet.
En gros dévoreur d’œuvres sur les vampires, la Hammer est tout sauf une maison de production inconnue pour moi. Même si je n’ai pas encore eu l’occasion de voir tous les films de la célèbre firme de la famille Carreras (rachetée il y a quelques années par Endemol), le Cauchemar de dracula a été un vrai choc visuel, et j’imagine très bien l’impact incroyable qu’il a pu avoir à son époque. Au moment où la Hammer revient dans le paysage cinématographique (récemment avec la web-série Beyond the Rave, prochainement avec le remake de Morse, Let Me In), l’ouvrage de Nicolas Stanzik, unique en son genre en France, permet de revenir sur les grandes années de la société anglaise.
On découvre ainsi les difficultés qu’ont eu les premiers films a être accepté par la presse cinématographique française, qui a commencé par crier à l’hérésie, en comparant les films de Fischer, Ward et autres Francis à leurs glorieux prédécesseurs Universal, et à leurs démiurges Whale, Browning, etc. Un état de fait qui a permis aux amateurs de donner naissance à une véritable forme de contre-culture, permis grâce aux salles qui diffusaient envers et contre tout ces films, ainsi que par les revues initiées par les amateurs du genre. Des amateurs dont l’impact sur le cinéma de genre est aujourd’hui indéniable, quand on sait que parmi ces amateurs on peut citer des gens comme Schlockoff, Bouyxou, Simsolo, Romer… et que des réalisateurs comme Bertrand Tavernier étaient des inconditionnels de ces salles indépendantes, dont la mythique Midi-Minuit.
L’ouvrage de Nicolas Stanzick rassemble donc un historique complet de l’émergence de la firme anglaise en France, film après film, et la lente reconnaissance des revues et critiques cinéma, qui poussera les amateurs à parfois aller jusqu’en Belgique pour pouvoir découvrir certains des films de la firme, jamais officiellement sortis en France. J’avoue avoir été véritablement pris aux tripes par la passion de ces cinéphiles qui, envers et contre tout, ont lutté pour que Terence Fischer, Peter Cushing ou encore Christopher Lee (pour citer la trinité hammerienne) soient reconnus à leur juste valeur, à l’instar de Bernard Charnacé qui est allé, à l’âge de 16 ans, jusqu’à aller seul en Angleterre pour rencontrer Peter Cushing.
Bien plus qu’un simple historique de la firme qui a, quoi qu’on en dise, fait entrer le cinéma fantastique dans l’âge moderne (pour ne pas dire adulte), c’est une vraie plongée dans une époque qui a permis la naissance d’une sorte de contre-culture cinématographique du genre, dont la Hammer, à travers le cinéma fantastique dont elle est l’un des représentants les plus marquants, aura été un des piliers. Les interviews qui suivent l’essai de Nicolas Stanzick sont tout aussi passionnantes et vivantes, et les annexes achèvent ainsi de compléter cet ouvrage incroyable pour tout amateur de cinéma fantastique digne de ce nom.
A noter que, qu’on ait vu ou pas les films de la Hammer, l’ouvrage de Nicolas Stanzick est une véritable bible, un ouvrage de passionné réellement passionnant, qui, une fois la dernière page referemée, ne donne envie que d’une chose : dévorer tous les films cités.
Pour avoir eu l’occasion de voir Nicolas Stanzick en conférence autour de son livre et de l’histoire de Hammer Films, je vous conseille vivement de ne pas le rater si il devait passer chez vous. J’ai beau avoir lu le livre sans en rater une miette, Nicolas maîtrise tellement bien son sujet et est tellement à l’aise en public que c’est un régal de l’écouter parler des grands moments du studio, à grand renfort d’extraits et d’images.