C’est ainsi que l’éditeur met en garde les lecteurs de la collection Chair de Poule. Cela ne résume-t-il pas ce que nous recherchons dans les ouvrages que nous lisons ? Le frisson que nous procure la peur nous occasionne un tel plaisir que lire devient une évidence, un besoin.
C’est une drogue bien inoffensive comparée à toutes celles qui existent. Une drogue que l’on peut sans crainte partager avec les plus jeunes. Le problème de ce partage réside dans le support. Et c’est là que la collection Chair de Poule entre en jeu. Une collection de plusieurs dizaines de livres, allant du récit de zombie aux aventures de loup-garou, toutes écrites par R.L. Stine qui se définie lui-même comme le Stephen King des enfants. Il ne pouvait donc pas déroger à la règle et s’est naturellement penché sur le mythe qui nous intéresse, les vampires, en mettant en scène deux enfants de douze ans, Freddy et Clara. Durs à cuire et têtes brûlées, ces deux acolytes vont pourtant expérimenter ce qu’est la peur en découvrant, au détour d’une de leurs explorations, un cercueil contenant un flacon de souffle de vampire.
Forcément, ils vont l’ouvrir et rencontrer ainsi un vampire… Plein d’humour, le récit ne s’entache pas de sanglant. Si le sang est évoqué, il ne coule jamais. Tout réside donc dans la menace sous-jacente, l’angoisse des enfants confrontés à un vampire qui « a très soif » et le répète à l’envi. Le style de Stine est dynamique et l’on se prend, même adulte, à plonger dans l’histoire, car si le mythe est adouci, il n’est pas édulcoré. La violence est remplacée par l’humour. On découvre dans l’imagination des deux enfants ce qui leur arriverait si toutefois le vampire parvenait à retrouver ses … dents !!
Car en effet c’est un vampire un peu particulier que nous rencontrons ici. Stine s’est approprié le mythe pour l’adapter à sa manière. Le Comte Nightwing est donc à la fois conventionnel et original. Conventionnel car il vit dans un château construit en haut d’une falaise, dort dans un cercueil tapissé de velours rouge et se transforme en chauve-souris, mais aussi original car il peut disparaître au gré de l’utilisation qu’il fait de ses bouteilles de « souffle de vampire », liquide qui dégage une fumée particulièrement nauséabonde et qui est l’essence même de la nature vampirique. Sans ces bouteilles, les vampires sombrent peu à peu dans une déchéance mortelle, perdant force, pouvoir, mémoire et même dents ! Nightwing voyage dans le temps et s’il est capable d’emmener des voyageurs humains, c’est bien malgré lui !
On est loin du charisme hypnotique de Dracula. Pourtant, on ne peut que fondre devant ce bouquin qui permet encore une fois de partager avec les enfants un univers particulier d’où l’on a tendance à les exclure. Le style de l’auteur n’est pas infantilisé, loin de là, et l’on découvre une histoire de vampire qui fait le choix de jouer sur l’angoisse plutôt que sur la démonstration, permettant ainsi aux enfants de découvrir le monde des crocs sans être confrontés à la violence qu’il engendre parfois. De plus, Stine est un auteur qui fait preuve de beaucoup d’humour, ce qui ajoute à l’attrait de la collection.
Je ne peux que recommander ce genre de lecture. Simple et facile à appréhender, elle se révèle pourtant agréable. Beaucoup d’ouvrages pour enfants sont avant tout des excuses pour faire passer des contenus pédagogiques. Ici, on a de la littérature pour enfant, simplement. Pas de morale, pas de compétences particulières à acquérir, juste une ouverture vers un monde imaginaire, capable de faire découvrir le plaisir de la lecture à des enfants qui sont parfois dépassés par les ouvrages scolaires qu’on leur propose. A la fin de leur aventure, Freddy et Clara n’ont rien appris, si ce n’est que l’angoisse qui les a assaillis les a en effet fait frissonner de peur… Mais aussi de plaisir ! Loin de les avoir brimés, ce sentiment a nourri chez eux une envie d’y revenir. Exactement comme ce que fait la lecture chez les lecteurs les plus passionnés.