Thomas Harker, avoué au sein de l’étude tenue par le vieux Hawkins, est envoyé en Transylvanie pour arranger la vente d’une demeure au comte Dracula. Ce dernier vit isolé dans un château en plein cœur des montagnes, n’ayant pour compagnie qu’une vieille servante sourde-et-muette et sa nièce, laquelle ne fait que d’étranges apparitions. Harker, condamné à la solitude par un hôte qui s’éclipse une bonne partie du temps, commence à explorer la labyrinthique demeure du comte. D’étranges événement surviennent bientôt, qui vont peu à peu faire sombrer le jeune homme en plein cauchemar.
J’attendais la publication de Powers of Darkness depuis des mois maintenant, alléché par la promesse d’une version pour le moins revisité du Dracula de Bram Stoker. Car quand Hans Cornell de Roos (que nous avons récemment interviewé à ce sujet) s’est penché sur le texte islandais il y a quelques années de cela, c’est pour rapidement s’apercevoir de grosses dissemblances avec le roman original. À commencer par un découpage très différent : 240 pages pour le seul journal de Thomas (et non Jonathan) Harker, contre 50 pages pour la partie londonienne. Une seconde partie qui délaisse par ailleurs l’assemblage de lettres et de journaux intimes que nous connaissons, pour lui préférer le recours à un narrateur omniscient, et des chapitres courts, rapidement enchainés.
La place prise par la première partie permet au texte de davantage détailler le château, et les péripéties du jeune avoué Thomas Harker. De fait, celui-ci découvre des passages secrets, aperçoit un cadavre de jeune femme sur la lande, avant d’assister à un curieux rituel sur ce cadavre, est témoin d’un simulacre de messe noire, etc. Il franchit également le seuil de nombreuses pièces, dont certaines prennent une place importante dans l’intrigue (la galerie de portraits en tête). Ce qui a permis à Hans de Roos de dresser les plans du château, étage par étage, ce qu’on retrouve en préface du roman.
Ce qui fait en sus l’intérêt du texte, c’est l’histoire de sa publication et de sa re-découverte. On connaissait l’existence de cette version depuis plus de 15 ans, en raison d’une préface signée Bram Stoker (préface qui joue la carte de la confession, tendant à faire passer le roman pour la retranscription d’événements réels). Mais jusque-là personne ne s’était penché sur le roman à proprement parler, pensant y trouver une traduction simple du roman. Ce qui surprend, par ailleurs, c’est la présence de plusieurs points d’intrigues (scènes comme personnages) qui figuraient dans les notes de Stoker mais n’ont pas été utilisées pour la version originale du roman. Comme si le traducteur avait pu échanger avec le romancier irlandais, ou avoir accès à une version non terminée du texte. On peut ainsi pointer les prémices d’une enquête de police rattachée à la mort de Lucia (Lucy), des références aux crimes de Jack l’Eventreur ou à l’affaire des Torses de la Tamise, etc. Enfin, l’histoire tend à faire de l’arrivée de Dracula en Angleterre un vrai complot à l’échelle européenne, le comte ayant établi des contacts de poids un peu partout sur le continent avant de se lancer à l’assaut d’Albion.
Côté vampire, les buveurs de sang mis en scène dans Powers of Darkness sont à l’image de ceux qui apparaissent dans le roman de Stoker. Il s’agit de créatures immortelles qui disposent de pouvoirs surnaturels, comme celui d’hypnotiser leurs victimes ou de se transformer en animal. Ils peuvent se déplacer à la lumière du jour, mais voient leurs force s’amoindrir à cette période de la journée. Pour les tuer, leur enfoncer une arme en plein cœur semble la méthode la plus efficace.
Passionnant du point de vue de l’histoire littéraire, mais ne manquant pas d’intérêt pour ses ajustements menés au roman original, Powers of Darkness est une des choses les plus intéressantes qui soient arrivés ces dernières années autour de Dracula. Même si on sait désormais qu’il s’agit de la traduction d’une version suédoise, le travail fourni sur cette traduction d’une traduction vaut à lui seul de s’y intéresser.