800 ans se sont écoulés depuis qu’Arkanéa a fait de Kergan une créature de la nuit. Tous deux parcourent depuis les plaines et forêts d’Europe de l’Est. À l’aube de l’an mil, le duo a temporairement fait halte non loin de Kiev. Kergan commence à avoir du mal à supporter de devoir toujours être sous le joug du pacte passé avec sa créatrice. Dans le même temps, les deux vampires vont se retrouver mêlés à la querelle de pouvoir qui oppose Vladimir, qui règne d’une main de fer sur la région, et son neveu.
Le Prince de la Nuit est une série totalement à part, en ce qui me concerne : c’est celle par laquelle tout a commencé pour moi (et ce site n’existerait donc pas si je n’avais pas découvert le premier tome, il y a bien longtemps de ça). Si j’étais très heureux d’apprendre qu’Yves Swolfs reprenait la série, il y a quelques années, le septième tome m’avait laissé un goût de trop peu dans la bouche. Le dessin me semblait moins abouti que par le passé, et le scénario forçait un peu la caricature sur certains des personnages. Qu’allait-il donc en être de ce huitième opus ?
Pour ce qui est de l’histoire, l’auteur original cède donc les crayons à Timothée Montaigne (qu’on a déjà vu à l’oeuvre sur le deuxième cycle du Troisième Testament), ne conservant que la partie narration. Et pour le coup, j’ai trouvé que ce nouveau tome proposait un scénario plus intéressant que son prédécesseur, en mêlant l’histoire de Kergan avec un arrière-plan politique assez réussi. Kergan et Arkanéa vont en effet se retrouver mêlés à la tentative du prince Sviatopolk de renverser son oncle Vladimir. La manière dont l’auteur fait se rencontrer les deux parties de l’histoire, alors que rien ne le prédispose dans les premières pages, est très bien pensée. Swolfs nous montre également un Kergan qui, encore dominé par Arkanéa, manque encore de discrétion, sûr de ses pouvoirs.
Le changement de dessinateur est le changement principal en ce qui concerne la série. S’il l’avait annoncé par le passé, il était alors question de confier uniquement le prolongement futuriste de la saga à un tiers. Le changement a donc eu lieu plus tôt que prévu. Timothée Montaigne est un bon choix : il a déjà fait merveille dans le registre historique avec la préquelle du Troisième Testament, et sur la série Le Cinquième Évangile. Le style est maîtrisé, et le travail fourni est assez remarquable, d’autant que le défi était de taille. Montaigne a un style assez différent de Swolfs (avec davantage d’encrages, ce me semble), et force est de constater que ce changement aux crayons est déstabilisant pour le vieux fan de la série que je suis. D’autant qu’à la couleur, c’est désormais Denis Béchu qui officie à ce niveau, et plus Sophie Swolfs. Ce qui joue un peu plus sur la radicalité de ce basculement vers une nouvelle équipe. Pour autant, je le redis : le travail est d’un très bon niveau, très homogène. Petit bémol peut-être pour la couverture, qui ne retrouve pas la superbe des couvertures du premier cycle (mais c’était déjà le cas avec celle du tome 7).
D’un point de vue vampirique, on est dans la continuité des albums passés. Kergan est désormais un vampire accompli, mais il doit allégeance à Arkanéa, qui l’a transformé. Ils possèdent tous deux la capacité de se transformer en brume ou en animal, et peuvent lier par le sang les mortels, établissant dès lors un fil psychique entre eux et ces derniers. Ils se terrent la journée, protégés par des humains liges, et se déplacent exclusivement la nuit, pour se nourrir. On verra également que l’époque n’ignore pas leur existence : l’une des figures religieuses de l’album décidant, après les premières découvertes de corps exsangues, de créer un corps dédié à leur extermination.
Un huitième opus qui s’est fait attendre, trois ans ayant passés depuis l’ouverture du nouveau cycle. Et les habitués risquent d’être fort décontenancés, car le changement de dessinateur se fait ressentir. Pour autant, ce nouvel album me semble objectivement supérieur à son prédécesseur : le scénario met en scène des personnages moins caricaturaux, la trame est accrocheuse, et le dessin de Montaigne est de bonne facture.